MOODOÏD : LE CROONER DU MOIS

Moodoid

L’esthète électro-pop Moodoïd revient avec cinq chansons composées et interprétées avec des femmes. Ce qui pourrait être un petit coup de communication s’avère une grande réussite artistique.

C’est un de nos plaisirs coupables : lire les interviews que les chanteurs showbiz donnent dans la presse féminine. Les plus gros lourds ne manquent jamais une occasion de se dire féministes. Quand on connaît les casseroles que certains satyres se traînent, il est difficile de ne pas s’esclaffer. Trêve de morale : en tant que critique, notre devoir n’est pas de juger ces drôles (les tribunaux sont là pour ça) mais de séparer le bon grain musical de l’ivraie parasite. En l’occurrence, Moodoïd est à classer en première division de la jeune scène française – son dernier album, Cité Champagne, était un des tout meilleurs parus en 2018. Il revient aujourd’hui avec Primadonna Vol.1, où il clame haut et fort son amour pour la gent féminine, à la manière d’un Julien Clerc postmoderne. Cri du cœur sincère ou entourloupe démago ? Au vu du côté fleur bleue du bonhomme, on penche pour la première option – mais une fois de plus, ne travaillant pas pour la brigade des mœurs, c’est la qualité de ses chansons qui nous préoccupe. Qu’on se rassure : elles sont excellentes. 


UN FLIRT AVEC LE KITSCH

Entouré à ses débuts d’un groupe exclusivement féminin, Moodoïd a cultivé son goût en écoutant des disques gravés par des dames : il cite comme références Patti Smith, Kate Bush, Björk ou Cindy Sherman. On peut être un garçon sensible et savoir malgré tout mettre le holà : Björk, sérieusement ? Depuis combien de décennies n’a-t-elle plus rien fait d’intéressant ? La musique de Moodoïd n’a rien à voir avec celle de l’Islandaise. On dirait plus le Christophe des Mots bleus qui s’allierait au Prince période Parade, tout ça avec un feeling japonais à la Haruomi Hosono, Ryuchi Sakamoto ou Logic System. Sur des mélodies fines et des arrangements sophistiqués, Moodoïd flirte avec le kitsch en chantant des paroles sensibles de sa voix maniérée, presque efféminée. Ce n’est clairement pas un album de bourrins – les fans d’AC/DC passeront leur chemin. Six femmes ont répondu à son invitation : Melody’s Echo Chamber, Juliette Armanet, Felicia Douglass, les jumelles de Say Lou Lou et Stephanie Lange de Saâda Bonaire – avec son timbre grave à la Jeanne Moreau, l’Allemande apporte un côté libertin qui clôt Primadonna Vol.1 en beauté. Les rapports hommes/femmes, heureusement, ne se réduisent pas à de vieux mâles lubriques se ruant sur des proies sans défense : le thème du jeune homme rêveur initié par une femme plus âgée est lui aussi vieux comme le monde, et c’est de ça dont il est question ici. À propos de ce titre, Moodoïd déclare : « Souvent, dans les chansons des années 1980, c’est l’homme qui parle, un peu macho, et les filles qui font les choristes, sensuelles et décoratives. J’avais envie d’inverser les rôles. » Il est loin d’être une potiche sexy qui fait bien dans le salon : son art de la production s’est encore amélioré, son jeu de guitare est plus limpide que jamais. Le projet Primadonna ne fait que commencer, puisque Moodoïd annonce d’autres volets à venir : son carnet de bal n’a pas fini de se remplir. 


Par
Louis-Henri De La Rochefoucauld