LE NANAR DE L’ÉTÉ : QUAND LUC BESSON FROC…

POUBELLOSCOPE : NOS TÊTES À CLAQUES PRÉFÉRÉES

Lessivé par des problèmes financiers, le réal’ revient avec une histoire de femme fatale russe en petite culotte. Misogyne, bas de plafond, suranné : le naufrage de Besson ?

Luc Besson, 60 ans, reste une énigme. Il a produit plus de cent films, en a écrit une soixantaine et réalisé 18, notamment Le Grand bleu, Malavita, Nikita, The Lady, Les Minimoys, sans oublier le perturbé Léon. Des films qui sont au septième art ce que le PQ est à la littérature : c’est vendeur et coloré, ça sent parfois bon, mais il n’y a pas grand-chose à lire.

Producteur de cinéma bourrin, Besson a également usiné des nanars en série (Le Transporteur, Yamakasi, Taxi, Taken…). Des films avec quelques axiomes : les femmes sont des nymphos ou des hystériques, les Albanais des proxos moustachus, les cheiks arabes obèses et pédophiles, les Asiatiques fourbes et cruels…

Depuis plus d’une dizaine d’années, le vent a tourné pour Luc. Son public a vieilli, les jeunes ne le connaissent même pas. EuropaCorp a définitivement bu la tasse avec Valérian (75.000.000 € de budget ; même Laurent Weil n’a pas tenu jusqu’au bout). Quant à Luc, il se débat contre des accusations d’abus sexuels et tente aujourd’hui de se refaire avec une petite production à 30 millions, Anna, tournée en 2017 et dont le montage est terminé depuis plus d’un an. Le résultat est un objet étrange, sorte de remake asthmatique et malaisant de Nikita au pays des Soviets.

 ICI, SON INTÉRÊT SEMBLE S’ÉVEILLER UNIQUEMENT QUAND IL FAUT FILMER UNE PETITE CULOTTE… 

affaire luc besson

 

CHAPKA ET PORTE-JARRETELLES

Nous sommes fin des années 80, début des années 90. Anna est belle, blonde, porte une chapka, vend des matriochkas sur les marchés et roule les R. Elle est donc Russe. Ancienne junkie, elle est recrutée par le KGB (« I wolk fol KGBi, baby »). Elle est aussi mannequin et entre deux shootings avec des photographes mode (forcément folles-hystériques), elle dessoude les ennemis de Mother Russia, toutes ces vipères lubriques, des agents, des costauds ou des hommes d’affaires, avec de gros guns ou à mains nues, en culotte et porte- jarretelles, s’il vous plaît. Lors d’une mission, elle est capturée par les USA et retournée par un cadre de la CIA. Agent double voire triple, elle multiplie les shootings et les massacres, couche avec ses supérieurs du KGB (l’Ecossais Luke Evans) ou de la CIA (l’Irlandais Cillian Murphy), tout en rêvant à sa liberté perdue…

Anna luc besson

Si les scénarios de Luc Besson n’ont jamais brillé par leur intelligence ou leur originalité, celui d’Anna bat des records. On a l’impression que Besson a retrouvé la première mouture du script de Nikita et qu’il l’a transposé en URSS en changeant trois prénoms. Pour masquer le vide, il multiplie les twists et joue avec la temporalité, mais son film reste un trou noir de bêtise, qu’il tente de colmater avec des éléments iconiques de ses plus gros succès : la tueuse sexy, les poursuites en Mercedes, la petite scène saphique, le double salto dans la gueule des méchants moustachios… Laminé par tant de stupidité, le spectateur termine les deux heures de projection en bavant. De plus, Anna a la mauvaise idée de sortir après Red Sparrow, nanar grand cru starring Jennifer Lawrence en espionne russe dont l’arme ultime est le grand écart facial. Lingerie de luxe et manteau de fourrure, Anna ressemble à Jennifer comme deux gouttes de vodka, mais elle est surtout la femme bessonnienne par excellence, un cliché aux mensurations de rêve, manipulée par les hommes, une femme fatale, qui séduit, couche et tue ses victimes, exclusivement masculines, et qui s’envoie en l’air avec une femme. Luc, à ce niveau-là, il faut consulter, pépère.

 

anna affaire luc besson
HIT WOMAN_ Besson a le don de caster des tops. Pourquoi ne leur offrir que des flops ?

 

FILMÉ À LA FAUCILLE

Plus que la médiocrité de la narration ou la misogynie crasse, c’est la médiocrité formelle de l’ensemble qui interpelle. Les séquences sont disjointes, les bastons illisibles, le récit incohérent, les acteurs s’ennuient… Besson est épaulé par ses fidèles techniciens, Thierry Arbogast à la photo, Eric Serra à la musique ou Julien Rey au montage, et pourtant c’est aussi passionnant que de regarder son papier peint ou une flaque d’huile. Mal dirigée, Sasha Luss possède le charisme d’une endive et les scènes d’action ont pris un sacré coup de vieux après la sidération provoquée par les John Wick. Ici, Besson est comme absent à lui-même, amer, vaincu, on dirait qu’il a laissé la caméra à ses 13 assistants-réalisateurs, dont son champion, l’inénarrable Olivier Megaton. Filmé à la faucille, sous sédatif, le film accumule les séquences de dialogue explicatives, mais Besson se montre incapable d’emballer une seule scène d’action, de faire naître la moindre tension, même érotique. Ici, son intérêt semble s’éveiller uniquement quand il faut filmer une petite culotte…

Aux dernières nouvelles, Anna s’est bien sûr banané aux USA et devrait vite sombrer aux tréfonds du box office français. Un enterrement de première classe pour Besson et probablement EuropaCorp.

De Stanley Kubrick, il restera le monolithe de 2001 ou le labyrinthe de Shining. De Christopher Nolan, le sourire du Joker. De Ridley Scott, la main de Russell Crowe caressant les blés dans Gladiator. Quant à Luc Besson, ce sera une blonde décolorée qui fait du karaté en porte-jarretelles. C’est déjà ça…

Anna de Luc Besson : en salle. 

Par Marc Godin

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