LES BANSHEES D’INISHERIN

LES BANSHEES D’INISHERIN Technikart

Sur une île irlandaise, deux copains de toujours s’embrouillent. Martin McDonagh reforme le duo gagnant de Bons baisers de Bruges pour une fable drôle et désespérée.

Notre chouchou de la semaine, c’est Les Banshees d’Inisherin, ciselé par Martin McDonagh, né de parents irlandais avec un père ouvrier et une mère femme de ménage. À 52 ans, McDonagh est l’un des auteurs les plus cotés du théâtre anglo-saxon (le premier depuis Shakespeare à avoir quatre pièces mises en scène à Londres dans la même saison) et le réalisateur surdoué de Bons baisers de Bruges et de Three Billboards : les panneaux de la vengeance, qui avait raflé les récompenses à Venise, aux Golden Globes et aux Oscars (une statuette pour Frances McDormand, une autre pour Sam Rockwwell). Quatre ans plus tard, Martin McDonagh est de retour avec une œuvre étrange, cruelle et décalée, pas vraiment commerciale, au titre étrange, Les Banshees d’Inisherin, alors qu’il n’y a pas de banshee (ou sorcière) dans le film et que l’île d’Inisherin n’existe pas.

PINTES DE GUINESS ET DOIGTS COUPÉS

Nous sommes en 1923, sur une petite île au large de l’Irlande, d’où on perçoit parfois les explosions de la guerre civile. Colm et Padraic sont les meilleurs amis du monde, deux piliers de bistrot, mais un beau jour, Colm décide de ne plus parler à son camarade de picole, lassé par sa connerie XXL et son babillage indigent (« Tu m’as parlé deux heures durant du crottin de ton âne » – « C’était celui de mon poney, tu ne m’as même pas écouté »). Padraic ne comprend pas, veut des explications, tente de recoller les morceaux, la situation s’envenime dans le village, et Colm balance un ultimatum pour le moins farfelu (vu qu’il est violoniste) : il va se couper un doigt dès que son ancien copain lui adressera la parole. Les doigts commencent à valser… 

Comme Harold Pinter et Samuel Beckett, Martin McDonagh creuse l’absurdité de la situation. C’est cruel, dingo, et incroyablement malin. De plus, pour cette partition virtuose, le cinéaste a reconstitué le duo gagnant de Bons baisers de Bruges, Brendan Gleeson et Colin Farrell, déments en Laurel et Hardy dépressifs. McDonagh s’égare parfois avec sa métaphore un poil lourdaude avec la guerre civile en Irlande, mais il signe – entre deux éclats de rire et hurlements d’horreur – une fable sur la condition humaine, sur le temps qu’il nous reste à vivre, une incroyable méditation sur la solitude et le désespoir.

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LES BANSHEES D’INISHERIN
Sortie en salles le 28 décembre 2022


Par Marc Godin