L’ALBUM DU MOIS : SUMMERCAMP

Rob & Jack Lahana summercamp

En duo avec son ami Jack Lahana, Rob sort un album riche en invités de prestige (Thomas Mars, Sébastien Tellier et autres). Le compositeur de BO s’offre une respiration : son grand retour à la pop ?

Quand on avait rencontré Rob dans son studio il y a trois ans pour faire son portrait, il nous avait accueilli en riant : « Quelle drôle d’idée de s’intéresser à ma carrière ! ». Avant d’ajouter cette autre phrase qui en dit beaucoup de lui : « Le malentendu c’est la grande histoire de ma vie – ce qui est assez marrant, pour un musicien… » Homme de l’ombre aussi humble que doué, Robin Coudert a une vie qui ressemble à un roman. Enfant, son premier prof de musique est le trompettiste de Michel Leeb. Rob se lie ado aux Phoenix, passe par les Beaux-Arts et sort deux albums au début des années 2000. Il compose des merveilles (« De la musique » ou « Never Enough »), il a le bon look et le bon réseau, tout pour devenir le George Harrison de la French Touch, et rien ne se passe comme prévu : bides et galères. Musicien pour Sébastien Tellier et ouvreur dans un cinéma, il rame. Toujours fantasque et inspiré, il se lance dans le projet un peu fou du Dodécalogue – une série de douze maxis qui ne verront pas tous le jour. En 2010, il produit Une enfant du siècle, un splendide album d’Alizée auquel personne ne comprend rien. Retour à la case départ ? Claviériste sur les tournées de Phoenix, Rob se reconvertit surtout en compositeur de BO. Il y gagne enfin ses lettres de noblesse en devenant le Georges Delerue du XXIème siècle – sa musique la plus célèbre étant sans doute celle du Bureau des légendes, et la plus belle peut-être celle de Planetarium.

SON CISELÉ

En 2020, Rob nous déclarait aussi : « Me replonger dans le business, me taper des répétitions à Studio Bleu avec du matos de location, bof… Mon ego a été suffisamment mis à l’épreuve par tous mes échecs, je n’ai plus du tout le fantasme de faire un disque qui marche. » Malgré tout, il n’y a pas que le cinéma dans la vie. Rob quitte momentanément sa casquette de brillant artisan du septième art pour replonger tête la première dans la pop en compagnie de Jack Lahana. Les deux amis ont appelé des proches historiques (Thomas Mars de Phoenix et Sébastien Tellier) mais pas que – sur les treize titres que comporte Summercamp, on croise aussi bien le collectif Catastrophe qu’Areski Belkacem. Rob prolonge différentes pistes esquissées par le passé : le disque rappelle à la fois Satyred Love et Le Dodécalogue ; quant à l’excellente chanson « À Egalité », elle aurait pu figurer sur l’album d’Alizée. Il y a d’autres pépites, tels les morceaux « Tomorrow » ou le phénoménal « Amoureux », où l’on retrouve Sébastien Tellier au meilleur de sa forme. Outre des mélodies marquantes et un son ciselé, Summercamp se distingue par cette qualité trop rare : on sent que Rob & Jack Lahana se font plaisir. Le marketing n’a jamais été le fort de Rob et, à 45 ans, il n’est plus temps de courir après les modes. En 2020, nous vantant l’œuvre tardive d’Ennio Morricone, il nous faisait enfin cet aveu : « J’adore les artistes vieillissants ! » La jeunesse ne lui a pas donné le succès qu’il méritait, la maturité lui apportera la reconnaissance qui lui revient.

Summercamp
(Pan European/Hippocampus)


Par Louis-Henri de La Rochefoucauld