HUM HUM, DUO BELGO-BRETON : « VIVE LA POP WESTERN ! »

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Avec leur premier album, le réjouissant Traversant, Hum Hum (la chanteuse électrique Sophie Verbeeck et le musicien avant-prog BT93), invente une pop des grandes plaines. Interview nature. 


Sophie, vous êtes comédienne de formation et Bernard, cinéaste ainsi que musicien fan de prog-rock. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Sophie Verbeeck : Il y a une dizaine d’années, Bernard réalisait un long-métrage Parenthèse (2014) dans lequel il m’a proposé un rôle. Une histoire d’amitié a commencé et on s’est ensuite retrouvés autour de la musique. 

Sophie, comment vous êtes-vous mise à la musique ?
S.V : Quand j’étais en école d’acteur je faisais déjà du chant classique avec un training tous les jours. J’adorais ça. Quand j’ai quitté l’école, j’ai poursuivi les cours et je me suis mise à la guitare. J’ai aussi fait un an dans une école de musique pour apprendre quelques bases de solfège.

Bernard Tanguy, vous avez composé une série de titres au début des années 1990 sans jamais les publier, et sorti un premier album l’an dernier sous le nom de BT93. Mais qu’avez-vous fait pendant ces 30 dernières années ?! 
Bernard « BT93 » Tanguy : J’ai fait de la musique de 16 ans jusqu’à mes 28 ans. Comme ça ne décollait pas et que j’avais suivi en parallèle des études d’ingénieur, j’ai travaillé en tant que consultant en télé-communication pendant dix ans. J’ai aussi fait du cinéma, en commençant par des courts-métrages. Et je suis retourné à la musique il y a trois ans, grâce à Sophie. Finalement, c’est vraiment ça que je préfère. 

Vos derniers bouleversements musicaux ? 
S.V : Anja Plaschg. Pour sa reprise de « Voyage, Voyage » de Desireless. J’ai l’impression qu’elle se permet d’étirer les mots, elle en fait un monde qui est affolant. Je l’ai écoutée cinquante fois. C’est une vrai expérience. 
B.T : Moi, c’est Stupéflip, au début des années 2000, je sais que ça remonte mais je ne m’en suis toujours pas remis ! J’étais déconnecté de la musique, je n’écoutais plus ce qui sortait. Et je suis tombé là-dessus, ça a été une claque, c’est resté mon groupe préféré. Je trouve que c’est un immense compositeur. 

Sophie, vous êtes fan de PJ Harvey et St. Vincent. C’est pas trop dur de travailler avec un fan de King Crimson, le groupe phare du prog-rock intello ? 
S.V : C’est toujours intéressant qu’il y ait des influences contradictoires à l’intérieur d’un groupe. Celles-ci nous mettent sur des pistes par rapport à ce sur quoi on a envie de travailler. Sans nous déterminer. Sinon ce serait quoi ? De la simple copie.

Pourquoi la Camargue pour le clip de votre single « Monkey Song » ? 
S.V : C’est un paysage qui reste sauvage par endroits, où ont d’ailleurs été tournés quelques westerns. 

« C’EST TOUJOURS INTÉRESSANT LES INFLUENCES CONTRADICTOIRES À L’INTÉRIEUR D’UN GROUPE. » 

 

D’où les chevaux dans votre clip…
S.V : Oui, on pratique une sorte de pop des grands espaces. Vive la pop western ! J’avais envie de faire rencontrer l’animal et l’homme sur ce clip. En sortant les morceaux « Rêves clandestins » et « La Revanche de la louve », qui sont pour moi des fables sur ce que l’on peut ressentir de l’humanité, « Monkey Song » est une ode à la liberté. À la liberté, celle d’être qui l’on veut. C’est aussi une ode à la singularité, aux gens qui réussissent à vivre dans des marges.

Vous vous projetez à l’international ? 
S.V : Pourquoi pas ! 
B.T : Pour « Monkey Song », l’essentiel des streams viennent du Brésil, des États-Unis, de l’Angleterre, de l’Italie, d’Allemagne. La France n’arrive qu’en sixième position. 

Bernard, vous avez fait l’école Polytechnique et avez été PDG d’une société de conseil en télécom avant de devenir réal. 
B.T : Et depuis quelques années, je me consacre surtout à la composition. Même si dans la musique, tout ne me plaît pas. Je n’aime pas les concerts par exemple, c’est une corvée pour moi. Sinon j’adore vraiment créer des morceaux. Travailler avec Sophie, aussi, j’adore ! Mais j’ai bien aimé être PDG, c’était cool de créer une entreprise. 
S.V : Attends, Bernard, on ne fait pas une interview pour Challenges, là !
B.T : Être entrepreneur, c’est une expérience qui m’a débloqué. Avant, j’étais incapable de prendre la parole en public, ce n’est plus le cas. 

Comment travaillez-vous en duo ? 
S.V : J’écris depuis longtemps, j’envisage aussi les textes comme de la musicalité. Je le sens, c’est comme une vague. Une fois que j’assemble des mots les uns avec les autres, je sens qu’il y a des mots qui ne peuvent plus bouger de là et qui sont évidents. J’aime bien écouter les mélodies que Bernard compose. Elles deviennent un peu comme une ritournelle entêtante. Reste à trouver les mots.
B.T : Généralement je compose une première mélodie au piano, je l’envoie à Sophie, ou alors on l’écoute ensemble. Puis elle commence à improviser du chant par-dessus, après elle écrit les textes, et c’est comme ça qu’on arrive à une chanson. 

Vous venez de sortir votre premier album, Traversant, produit par Fred Lo (Daniel Darc, Alain Chamfort, Alex Beaupain…). Le pitch ? 
S.V : Je dirais que c’est une traversée des zones d’ombres et des zones de lumière, de ce qu’il y a de pire et de meilleur chez l’humain. Tout ce qu’il faut connaître pour essayer d’accéder à une conscience. 

Et vos ambitions pour cet album ? 
B.T : On espère avoir créé un album intemporel, du genre à ne pas être démodé dans deux ans. 
S.V : Tout sauf faire partie d’une mode éphémère.

(Traversant, Dragon Accel)


Par
Nathan Merchadier
Photo Anaël Boulay