EN DIRECT DE CANNES : RENCONTRE AVEC TAKASHI MIIKE

Takashi Miike

Stakhanoviste du 7e art avec plus de cent films au compteur, réalisateur culte d’Audition ou de Ichi the Killer, Takashi Miike était à Cannes pour le lancement d’une nouvelle compagnie, K2 Pictures, et annoncer le tournage d’un film en France. Rencontre.

Cannes, c’est aussi du business. Vous avez présenté sept films ici, mais vous êtes là aujourd’hui pour le lancement de la compagnie japonaise K2 Pictures.
Takashi Miike : Oui, je travaille maintenant avec Muneyuki Kii (producteur, ancien de la Toei, NDR) pour K2 Pictures. Nous voulons dynamiser cette industrie qu’est le cinéma japonais Je travaille depuis longtemps avec Muneyuki Kii, sur le « V Cinema » (une branche de l’industrie consacrée aux films de genre tournés et à peu de frais et distribués en vidéo, NDR) et on a tourné First Love ensemble.

Vous avez déclaré que vous aimiez faire des bêtises dans votre enfance. Est-ce que le cinéma, c’est continuer à faire des bêtises ?
(Il se marre) Je voudrais changer mais je n’y arrive pas ! On dira plutôt que je suis espiègle… Ce que j’aime surtout, c’est suspendre les spectateurs, faire des choses opposées à leurs attentes. Je suis surtout connu comme réalisateur de films violents. C’est donc pour cela que j’ai réalisé il n’y a pas longtemps un programme TV pour enfants. J’adore trahir l’attente des gens. 

Même dans vos films les plus extrêmes, sauf peut-être Audition, la violence est très loufoque. 
Je ne cherche pas forcément à réaliser des films violents. Mais comme mes films sont centrés sur des personnages, il y a donc du rire, de la tristesse, de moments violents ou loufoques. Je précise que je ne recherche pas du tout la reconnaissance de la critique. Moi, je m’en fous. Je trace ma voie et je veux raconter mes histoires. Je n’ai pas un plan de carrière, je ne fais pas un type de films précis. Je me laisse aller, je rencontre des acteurs, on me donne parfois des scénarios, et à ce moment-là, je crée des choses.

Vous ne recherchez pas la reconnaissance mais vous êtes pourtant un auteur culte en Occident. Avez-vous le même statut au Japon ? 
À l’étranger, ce sont mes films violents qui rencontrent du succès et mon public, c’est celui qui aime les films asiatiques un peu bizarres. Au Japon, ce n’est pas vraiment le cas, et ces films extrêmes n’ont droit qu’à une sortie très limitée.  

Vous avez tourné une centaine de films, des films de yakuzas, de samouraïs, d’horreur, des polars… Est-ce qu’il y a un genre que vous n’avez pas abordé ?  

Le genre, je trouve cela toujours trop réducteur. On catégorise trop, notamment les critiques ou le public. Moi, je ne pense pas au genre. Écoutez, récemment, je suis allé dans un festival de cinéma à Dubaï pour présenter un film où un prof de lycée tue tous ses élèves. Quand je regardé le catalogue, dans la catégorie genre, il y avait écrit « Nous vous déconseillons de voir le film. » J’étais étonné, pourquoi m’inviter, alors ? Puis j’ai trouvé que c’était pas mal pour qualifier mes films : les films déconseillés (rires). 

C’est vrai que vous avez un projet de film en France ?
Oui, dans le cadre de K2 Pictures, avec une équipe française. Donc je rencontre également des producteurs français. Vous savez, j’ai tourné un film en Corée, un autre à Taïwan, avec à chaque fois des équipes locales. C’était à chaque extraordinaire, car j’étais le seul japonais sur le plateau. J’ai dû me réinventer, ça a été comme un reset complet pour moi. Ce tournage en France devrait avoir lieu l’année prochaine.


Par Marc Godin