EN DIRECT DE CANNES : LE CHOC FOTOGENICO

Telegenico

Elle aime Warhol, il adore Lester Bangs. À eux deux, Marcia Romano et Benoît Sabatier, légende de Technikart, ont réalisé l’ovni de cette édition cannoise.

Quelle est la genèse de Fotogenico ?
Marcia Romano : Nous avions réalisé une trilogie marseillaise autoproduite, entre 2012 et 2017, des films financés avec 40 000 euros.
Benoît Sabatier : L’idée, c’était de filmer la scène rock marseillaise. Moi, je suis arrivé à Marseille il y a 20 ans. Marcia habitait sur place depuis un petit moment. Et j’ai trouvé à Marseille la vitalité d’une scène rock underground que je ne connaissais plus à Paris. Et donc, avec Marcia, on s’est dit, il faut que l’on écrive autour de cette scène rock sur les lieux, sur ses protagonistes.

Il s’agissait de fictions ?
Marcia Romano : Oui, mais avec la vraie faune de ces lieux, dans les vraies salles de concert.

Pour Fotogenico, vous avez clairement eu plus de moyens.
Benoît Sabatier : Oui, grâce au CNC. Cette fois, nous avons eu 23 jours de tournage. Mais ce qu’il y a de vraiment nouveau, c’est le nombre de jours de tournage avec des acteurs professionnels.

Le sujet du film – un homme cherche à découvrir la vérité sur la mort par overdose de sa fille – est dramatique, mais vous en faites une comédie.
Benoît Sabatier : Plusieurs comédiens pensaient que c’était un drame. Ils n’ont pas obligatoirement capté l’humour des dialogues… Notre idée, c’est vraiment l’esprit des comédies italiennes des années 60. Nous, on détourne le côté drama pour toujours insuffler de la fantaisie et de l’humour.
Marcia Romano : Sur le tournage, quand on essayait de diriger les comédiens, on disait « Fais-le façon Muppet Show ». Nos autres influences sont Mad, l’inspecteur Clouseau, les comédies de Blake Edwards…

Lors du tournage, vous semblez favoriser les accidents.
Marcia Romano : On a écrit le scénario, mais on n’est pas toujours fan de ce qu’on a écrit. On pense que ce qui se passe dans la vie, c’est toujours mieux.
Benoît Sabatier : Moi, je suis plus à lui dire, bon, attends, on va déjà tourner la scène comme elle est écrite, on verra après.
Marcia Romano : Mais la vie, c’est toujours mieux que le scénario. Même si c’est très écrit. Nous avons l’obsession que ça vive. Parce qu’on trouve qu’il y a beaucoup de films figés, sans vie. Ce n’est pas grave les accidents techniques ou les problèmes, du moment que ça vit !
Benoît Sabatier : On ne veut surtout pas que ce soit raide, avec l’acteur qui rentre dans le cadre, qui dit son texte, qui ressort du cadre !
Marcia Romano : C’est un peu notre obsession, faire entrer la vie dans le cadre, tout le temps, quitte à balancer le scénario à la poubelle. Ce n’est pas grave, parce qu’après, on sait que l’on va retomber sur le récit.

La Marseille que vous photographiez est somptueuse.
Benoît Sabatier : C’est une ville tellement cinématographique, c’est à la fois Los Angeles et Istanbul. Quel bonheur que de filmer une ville comme cela, avec un ciel bleu, la plage les montagnes… C’est une ville pop !
Marcia Romano : Encore une fois, on est obsédé par la vie et par la ville, par tout ce qui est vivant. On part souvent d’une rue. Tout d’un coup, on voit une rue, et on va écrire une scène autour de cette rue.

On voit également beaucoup d’affiches, de pochettes de disques… C’est un film de fétichiste ?
Marcia Romano : Le cinéma, c’est du fétichisme, et nous, on est très, très, très fétichiste.

Dans le film, un album a un rôle primordial. Il y a-t-il un disque qui a changé votre vie ?
Marcia Romano : Les Smiths, le maxi, Heaven knows I’m miserable now. Au début, je l’ai haï parce à cause de la voix de Morrissey quand il part en Castafiore. Pourtant, tous les gens aimaient et je me suis forcée à l’écouter jusqu’à l’ aimer. Quand ça a pris, ça a changé ma vie jusqu’à aujourd’hui.
Benoît Sabatier : Moi, c’est Paris de Taxi Girl. J’avais 15 ans et je me suis mis à rêver de Paris, je voyais le sous-texte underground, toxico. J’étais à la campagne et je me suis dit qu’il fallait que je vienne à Paris, pour découvrir cette grande poubelle.

C’est pour cela que vous avez salué Daniel Darc au générique de fin ?
Benoît Sabatier : Comme c’est un film qui parle de mort, on a rendu hommage à tous nos amis qui étaient morts, dont Daniel. Mais la moitié, ce sont des mecs de Technikart…

Fotogenico de Marcia Romano et Benoît Sabatier :
Prochainement en salles

Par Marc Godin