EN DIRECT DE CANNES : CRONENBERG EN DEUIL

Les Linceuls de David Cronenberg

Sexe, morts et vidéos HD : bienvenue en CronenbergLand

Avec The Substance, Coralie Fargeat a repompé David Cronenberg dans les grandes largeurs et mis le feu à la Croisette. Mais le public cannois va-t-il préférer la copie à l’original, l’élève sous-douée au maître du body horror, comme on dit, qui avait arrêté le cinéma en 2014 pour s’occuper de sa femme qui était en train de mourir d’un cancer ? En 2022, Cronenberg est sorti de sa retraite avec Les Crimes du futur, où il mixait sexe et bistouri, douleur et orgasme, et transformait les épreuves traversées en œuvre d’art. Deux ans plus tard, il poursuit dans la même veine avec Les Linceuls, quasiment un film autobiographique où il expose son chagrin, son impossibilité à revenir à la vie (« cela fait des décennies que je n’ai pas séduit une femme ») ou dans le monde des vivants. Vincent Cassel, qui s’est fait la tête de son réalisateur, incarne un producteur inconsolable depuis la mort de sa femme. Pour tenter de lui survivre, il s’est lancé dans une entreprise de pompes funèbres du troisième type, avec caméras HD dans les cercueils qui permettent s’assister à la décomposition du cadavre en live sur son smartphone. Bientôt, il découvre que plusieurs tombes ont été profanées que les caméras ont été hackées. Et c’est parti pour un cauchemar cotonneux de deux heures, avec complots obscurs, du body horror (avec une scène de sexe entre le héros et sa femme mutilée, dont les os se brisent pendant l’étreinte, qui enfonce l’intégralité du grotesque The Substance), dans un futur proche à la fois quotidien et terriblement différent. Avec une incroyable économie de moyens, une belle science du hors champ, le cinéaste canadien t’offre une visite guidée – en Tesla immaculée, s’il vous plait – dans le CronenbergLand (le film est bourré de références au Festin nu, à Faux Semblants, aux Crimes du futur), te balade au pays de la mort et du chagrin, et génère une incroyable sensation d’étrange étrangeté, où même l’apesanteur semble être différente… Le spectateur ne peut que se recroqueviller dans son fauteuil, attendre le prochain coup de pelle, tandis que le linceul le recouvre progressivement. Dans cet aller simple vers l’oubli, il est épaulé par un très sobre Vincent Cassel, habillé en full Saint Laurent (qui a produit ce drôle objet qui pourrait s’attirer les foudres cannoises) et Diane Kruger dans son plus beau(x) rôle(s). Bienvenue dans le mausolée Cronenberg.

 

Les Linceuls de David Cronenberg
Sortie en salles le 25 septembre


Par Marc Godin