EN DIRECT DE CANNES : AUDIARD FAIT SA TRANSITION

Emilia Pérez de Jacques Audiard

Un dangereux narcos transitionne vers le genre féminin. Comme Jacques Audiard qui filme, entre mélo et comédie musicale, une renaissance et toute la beauté du monde.

Depuis quelques années, Jacques Audiard nous servait des films tièdes, formellement parfaits, mais désincarnés, parfois abscons, comme s’il n’y croyait plus, où qu’il était arrivé à la fin d’un cycle. Il revient avec un mélo aux accents de telenovela, situé au Mexique mais tourné à Paris, une comédie musicale en espagnol sur un narcos qui décide de devenir une femme. Un projet ultra casse-gueule, mais très perso, puisqu’Audiard a écrit le scénario seul (son fidèle Thomas Bidegain est seulement mentionné au générique en collaborateur). Comme son personnage principal, Audiard transitionne et délaisse ses histoires de virilité et d’hommes qui tombent. Mais dans Emilia Pérez, le méchant narcos à la gueule tatouée et aux chicots en or ne devient pas une femme pour échapper à la police ou à ses ennemis, il change de genre car c’est qu’il a toujours voulu au plus profond de lui. Il se fait alors passer pour mort et se transforme alors en tata attentionnée pour ses deux mômes orphelins et en confident pour sa veuve, avant de se transformer en dame patronnesse qui aide les familles victimes de la violence des cartels. Toujours en équilibre, le film fonctionne grâce à la magnificence de la mise en scène, toujours inspirée, la puissance des moments chantés et dansés, la musique de Camille, les fringues sublimes signés Saint Laurent. Et puis, il y a l’Espagnole Karla Sofía Gascón, une femme trans qui incarne à la fois le terrible narcos du début et l’inoubliable Emilia Pérez. Qu’elle serre ses enfants dans ses bras, regarde tendrement son épouse, campée par Selena Gomez, qui ne la reconnait plus, ou qu’elle embrasse la Mexicaine Adriana Paz, elle est absolument bouleversante et sa beauté, sa grâce, irradient chaque seconde de cette œuvre qui ouvre le cœur et l’esprit.

 

Emilia Pérez de Jacques Audiard
Sortie le 24 août


Par Marc Godin