BRUNO BARDE : « GÉRARDMER EST UN FESTIVAL CULTE »

Bruno Barde

Big boss des festivals de Deauville ou de Reims, Bruno Barde nous ouvre les portes de la 31e édition du film fantastique de Gérardmer, dans les Vosges.

Comment vous sentez-vous à quelques heures de l’ouverture du 31e festival de Gérardmer ?
Bruno Barde : Content ! Après la réussite, notamment artistique, de la trentième édition anniversaire, je suis content car notre sélection est digne, et nous avons deux beaux hommages, à la littérature et à Gareth Edwards qui a signé la meilleure des séquelles Star Wars.

Pour cette édition, combien de films avez-vous visionnés ?
Environ 250 et j’en ai sélectionné 39, toute nationalité confondues, des films venant de France, d’Argentine, de Belgique, de Corée, du Portugal, des États-Unis… C’est le fantastique dans tous ses états. J’ai commencé à visionner dès le Marché du Festival de Cannes, en mai donc. 

Comment vous avez élaboré cette sélection 2024 ?
Ne m’intéressent que les films, l’objet film, pas les coulisses, ni ceux qui les font. À Gérardmer néanmoins, il peut m’arriver de prendre des films moyens mais pile-poil dans le genre, et de très bons films à la limite du genre. Je suis très libre, je n’ai pas de conseil d’administration et je fais les choix tout seul !

Des films que vous vouliez vous ont-ils échappés ? 
J’aurais bien aimé avoir Vermines, mais il est sorti trop tôt en salles. Je me suis rattrapé en prenant le metteur en scène dans le jury. 

Est-ce qu’il y a une tendance, une image du monde qui se dégage à travers ces 39 films ? 
Oui. L’année dernière, nous avions des films un peu poétiques comme La Pieta ou La Montagne. Cette année, c’est hard, le mal est là, qui rôde, c’est glauque, c’est le reflet du moment terrifiant que nous vivons.

Vous semblez favoriser l’« elevated horror », du cinéma plus ambitieux, plus décalé, plutôt que le gore qui tâche.
Absolument. Pour moi, l’année dernière, c’était l’apothéose avec La Pieta et La Montagne. J’aurais montré ces deux films à Gérardmer il y a dix ans, je me faisais lyncher… Nous avons un public de cinéphiles et les spectateurs ont donné le grand prix du public à La Pieta, un film d’auteur très ambitieux. Dans tous mes festivals, je pratique l’élitisme pour tous, je montre le meilleur du cinéma à tout le monde. Je ne veux pas flatter les bas instinct du public, je préfère m’intéresser à ce qu’il y a de plus beau chez l’homme. Il faut exciter le talent et la beauté.

Ce qui est très beau à Gérardmer, c’est l’engouement du public et des gens de la ville pour leur festival et le genre fantastique.
Ça n’existe nulle part ailleurs. Ce festival repose notre travail et les 600 bénévoles, la Ville, la Région, le Département. Les gens sont fiers de leur festival car il y a un retentissement économique, culturelle et de notoriété. Gérardmer est un festival culte. 

Vous pouvez me parler de votre hommage à la littérature ?
Un des fondements du fantastique, c’est la littérature. Les deux présidents, du jury long-métrage et du jury court sont des écrivains, Bernard Werber et Bernard Minier. Et nous aurons une table ronde sur la littérature fantastique. Nous sommes à une époque où on enlaidit la beauté et l’on embellie la laideur. Je pense quant à moi que la beauté sauvera le monde et donc, c’est important de rendre hommage à la littérature fantastique. 

C’est un problème pour vous quand un film primé à Gérardmer ne sort pas en salle ? 
Ça me contrarie mais c’est normal. Nous révélons les films avant qu’ils aient des distributeurs. L’économie du cinéma a changé et sortir un film sur une plateforme coûte moins cher qu’une sortie salle. Les plateformes permettent aussi à certains cinéastes de tourner, de faire des films…

Quels sont vos films fantastiques ou d’horreur préférés ?
J’ai revu Shining récemment, je trouve que le film a terriblement vieilli, Jack Nicholson ne fait pas peur. Créatures célestes, primé à Gérardmer en 1995, est toujours aussi bouleversant. L’Exorciste, je l’ai vu à sa sortie mais je n’ai jamais pu le revoir, c’est la plus grande terreur de ma vie ! Quant M le maudit, je peux vous siffler la musique du film (ce qu’il fait).

31e festival du film fantastique de Gérardmer
Du 24 au 28 janvier

https://festival-gerardmer.com/2024/

 

Par Marc Godin
Photo : Olivier Vigerie

Gérardmer festival technikart