BENJAMIN VOISIN : « JE VEUX DEVENIR UN STRADIVARIUS »

L'Esprit Coubertin de Jérémie Sein

Il a un talent phénoménal et va devenir la grande star du cinéma français. Rencontre avec Benjamin Voisin, 27 ans, qui campe un puceau olympique dans L’Esprit Coubertin.

Pas trop pénible d’être né un 24 décembre ? 
Benjamin Voisin : Non, ce n’est pas trop pénible car je ne suis pas né le 24 décembre. C’est une connerie qui traîne sur le Net et que tout le monde reprend. Ce qui est cool, c’est que l’on me souhaite maintenant mon anniversaire le jour de Noël. 

Néanmoins, vous êtes bien le fils d’un professeur du cours Florent et d’une mère expert-comptable.
Absolument. À cinq ans, mon père m’emmenait voir des pièces, je traînais dans les coulisses des théâtres, dans les loges… La vocation est arrivée plus tard, l’envie du théâtre est venue par la lecture, le bonheur de travailler les mots.

Jeune, vous étiez un grand lecteur et vous dévoriez Proust, Houellebecq, Kundera, Huysmans…
Au collège, je trouvais cool d’être celui qui est au fond de la classe et qui dévore des livres. Puis, j’en ai eu plus rien à foutre de l’attitude, j’aimais simplement lire des bouquins. À 16 ans, ma prof de théâtre m’a dit que le romantisme m’allait bien, car je jouais On ne badine pas avec l’amour. Ça m’a ouvert l’esprit. Ce monde du métro-boulot-dodo que je n’aimais pas tellement, j’allais peut-être y échapper et pouvoir divertir les gens.

Vous débutez par le théâtre ?
Absolument. J’avais un rejet du monde du cinéma et de ces stars attirées par la lumière, les récompenses. Après trois ou quatre années de travail sur les planches, Marie Prouzet, qui est devenue mon agent, me propose d’essayer le cinéma. Je fais des essais et je suis pris sur un truc pas très bon sur TF1. Et je découvre que je peux payer six mois de loyer avec mon cachet. Donc je me dis que je vais faire les deux, pour ne plus avoir à me soucier de l’eau ou de l’électricité. Donc, au début, il y a l’appât de l’argent. Avec les plus gros rôles, le travail est devenu plus intéressant. 

Quel a été votre big break ?
Un téléfilm en trois parties de Philippe Faucon, Fiertés, pour Arte. Il y avait du boulot à fournir, j’étais à bonne école. C’est grâce à ce film que François Ozon et Xavier Giannoli m’ont ouvert leurs castings. 

Avec Été 85 et Illusions perdues, vous décollez vraiment ?
François et Xavier m’ont fait deux grands cadeaux. Le plus beau, c’est que j’ai enchaîné ces films, il y a eu cinq jours entre les deux. J’avais 22 ans !

Après le César d’Illusions perdues, vous auriez pu jouer dans de grosses machines, devenir le nouveau Pierre Niney ou François Civil, et vous choisissez de petits films, sans compromis, comme En roue libre ou Les Âmes sœurs de Téchiné. Pourquoi ?
J’ai toujours eu peur de la célébrité. Je tiens à ma vie privée, ma santé mentale. J’aime bien que les choses arrivent doucement et donc j’ai refusé les grosses machines. Je veux rester sur le côté, ne pas avoir d’étiquette, même si je dois être bankable. Je n’ai pas d’Insta, je ne suis pas sur les réseaux, je me fous totalement des prix ou de monter les Marches… 

Vous pourriez arrêter de jouer ?
C’est la grande question de ma vie. J’aime beaucoup cette phrase de Sainte-Beuve : « je ne suis point véritablement passionné ; ma vie n’a été qu’une suite d’ardents caprices. » Pour l’instant, la recherche intérieure de l’acteur me plait toujours autant. J’essaie de me mettre dans des situations dangereuses. Là, je termine une série Apple et je veux voir si mon émotion peut être diluée de façon subtile sur huit épisodes… Dans cinq ans, quand on se reverra, je ne sais pas si on parlera cinéma… 

Et être égérie ?
J’ai refusé. Un jour, j’accepterai pour le pognon, mais aujourd’hui j’aime bien que ma parole ne soit qu’artistique. 

L’année dernière, vous avez fait un seul en scène, une adaptation de Guerre, de Céline. 
C’est une histoire dingue. Je cherchais un monologue : Fritz Zorn, un texte que j’adore, Jean Echenoz… Et Benoît Lavigne me propose un casting sur le texte de Céline, Guerre. Nous étions une quinzaine et j’ai décroché le job. Ça été une expérience magnifique, éprouvante. Moi, je suis un instrument, mais je veux devenir un Stradivarius. Là, je suis derrière Céline, derrière Benoît Lavigne, je m’efface, et je donne la meilleure partition possible. 

On parle de L’Esprit Coubertin ? Comment le beau gosse du cinéma français se retrouve à jouer un puceau un peu benêt, avec une coupe improbable et de grosses lunettes ? 
J’aimais le challenge, disparaître. C’était tellement différent de ce que je lisais, et j’ai voulu y aller. J’ai adoré le tourner, l’expérience était à la fois éprouvante et jouissive. Pour chaque séquence, je faisais trois prises avec des niveaux de comédies de plus ou moins prononcés. Pour la première prise, je proposais ce que j’imaginais du rôle. Pour la seconde, ce que voulait Jérémie (Sein). Et pour la troisième, il me disait si je montais en émotion ou en caricature. Je fais souvent cela sur les tournages, je propose plusieurs prises, plusieurs couleurs. Je propose et le réalisateur dispose. 

On pourrait vous voir dans un film de genre, un polar, un film d’horreur ? 
C’est complètement l’idée et exactement ce que vous allez voir. Quand j’ai fait quelque chose, je ne veux pas me répéter. C’est pour cela que j’ai accepté la série Carême, réalisée par Martin Bourboulon, où j’incarne Marie-Antoine Carême, un des plus jeunes chefs de France, à l’époque napoléonienne. 

Vous savez ce que vous allez faire après ? 
Non, pas encore, mais je vais rejouer Guerre à Paris, en janvier prochain. J’espère le jouer encore dix ans… 

L’Esprit Coubertin de Jérémie Sein

Sortie en salles le 8 mai


Par Marc Godin