PRESSE 2.0 : LES ROIS ET REINES DU CLIC

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Vous vous demandez pourquoi certains confrères mettent en ligne des articles qui n’ont rien à voir avec l’ADN de leur média ? La réponse par huit.

L’EXPRESS

LE PLUS WALKING DEAD
S’inspirer de The Economist pour le print (souvenez-vous, sa nouvelle formule « Bob l’éponge » début 2020) ? Pourquoi pas. Mais le titre d’Alain Weill peut-il vraiment rivaliser avec ce média anglais de référence quand son propre site est laissé en jachère (à l’exception de deux articles en Une réservés aux abonnés) ? Ces derniers mois, la rubrique culture du titre est laissée en déshérence : pour la section Musique, trois articles se battent en duel (dont un datant de 2018 et un autre tiré des archives de 1960 !). Côté Cinéma, seule catégorie culturelle, avec les livres, à être régulièrement alimentée, vous vous contenterez de la republication (du repackage, comme diraient les ultra-dans-le-vent de chez Elle) de la page de fin de Christophe Donner. On s’abonne ?
2 rue du Général Boissieu, 75015

MARIANNE

LE PLUS COALISÉ
Vous venez de décrocher votre alternance dans une prestigieuse (si, si, il en reste) école de journalisme et vous voulez passer la cinquième ? L’autre grand titre de CMI Media embauche la jeunesse en masse pour faire tourner son site web. Le bonus ? Chez Marianne, le print et le web ne forment qu’une seule et grande famille. « La fusion des équipes, ce n’est pas que des racontards », assure Thibaut Solano, rédacteur en chef du web. Même si, il l’avoue à mi-mot, les jeunots turbinent surtout sur la rubrique actu. En outre, depuis l’arrivée de cet ancien de l’Express, le site – dont tous les articles étaient jusqu’ici en accès libre – génère en masse du papelard réservé aux fidèles abonnés. « Dès qu’on tape sur Macron, ça marche très bien ! ». On a connu des lignes éditoriales moins limpides…
28 rue de Broca, 75005 Paris

ELLE

LE PLUS PUGNACE
Une guéguerre générationnelle se joue dans les couloirs du titre « flagship » du milliardaire du charbon tchèque Daniel Křetínský (CMI Media). Depuis plus de dix ans, la rédac’ chef du site, Élodie Petit (ancienne des rubriques culture et people du mag), fait tourner une équipe de zoomers biberonnés aux valeurs all inclusive et s’emploie à faire respecter les codes du web 3.0 aux plus ancien(ne)s. La recette ? Un vocabulaire mis à jour et parfaitement intersectionnel (ils ont une liste, oui, oui), des angles inspirés de la presse anglo-saxonne (au mieux, Vulture ; au pire, Buzzfeed) et, tant qu’on y est, réussir à placer une personnalité « qui divise » (à titre d’exemple : Taha Bouhafs, en février dernier). Osé, dites-vous ?
3-9 avenue André Malraux, 92300 Levallois-Perret

LES INROCKS

LE PLUS GENTIL
L’équipe du web a enfin réalisé le rêve de tout bon anarchiste : travailler sans chef. Depuis le départ des cheffes du digital, Marie Kirschen et de Fanny Marlier, début 2020 (elles avaient remplacé David « Ligue du LOL » Doucet au pied levé un an plus tôt), l’équipe de stagiaires et assimilés répond directement aux chefs de rubriques du mag’ (Alice Pfeiffer pour la mode, Franck Vergeade pour la musique, etc.). Leur mission : écrire une dizaine d’articles par jour pour le site et ne pas hésiter à bidonner un article à clics une fois par mois (le dernier en date ? Ressortir un dossier vieux de trois ans pour surfer sur la sortie du Batman de Matt Reeves). Fun !  
10-12 rue Maurice Grimaud, 75018 Paris

CONDÉ NAST

LE PLUS TAPAGEUR
Nous faisons notre mea culpa : mauvaises langues, nous avions prédit, comme tout Paris, la fin imminente d’un des titres de Condé Nast. Nous avions tort : le site et le mag de GQ sont en parfaite symbiose, sous l’égide de Pierre A. « force tranquille » M’Pelé. Tout le contraire de Vanity Fair, depuis que Raphaël « mocassins (c’est plus pratique pour les chevilles) indiens » Malkin, débauché de Society, a été nommé « senior web editor » par Olivier Bouchara (Head of editorial content de VF), dans un moment de fébrilité. Cet ancien de Snatch Magazine s’amuse depuis à « faire le ménage ». Première conséquence ? Le départ de Pierre Léonforte, le « Concierge masqué » connu pour sa chronique bohème, érudite et drôle. Trop pour le « grand reporter » sédentaire ?
59, 60, 61 rue de Courcelles, 75008 Paris

LIBÉRATION

LE PLUS TRISTOUNE
Ils ont un site web géré par Gilles Dhers, rédacteur en chef adjoint, qui fait le job sans trop y croire. Comment, après tout, espérer attirer des abonnés web quand Le Monde a déjà raflé tout Français(e) prêt(e) à payer une dizaine d’euros par mois pour une info centre-gauche ? Good luck, les amis du quinzième !
2 rue du Général Boissieu, 75015 Paris

LE FIGARO

LE PLUS DISCRET

Rassurez-vous, le site du Figaro est entre de bonnes mains : la rédac’ chef du service web, Laurence de Charette (une catho « tala » tendance Thérèse) mène à la baguette ses équipes  (sauf le pôle éco, laissé en roue libre avec ses articles trop terre-à-terre) avec des sujets parfaitement en ligne avec le Fig’ des origines. Si vous voulez quelque chose de (relativement) plus « libéré », allez fourailler du côté du Figaro Madame.
23 rue de Provence, 75009 Paris

VALEURS ACTUELLES

LE PLUS BRAVACHE
Toujours vivants ? Depuis que le collectif Sleeping Giants s’acharne sur le site web de Valeurs Actuelles en leur coupant les vivres à la source (cf. notre article « Qui veut la peau des droitards ? », Technikart #256), l’équipe du mag’ a décidé de tout miser sur le print, dixit Geoffroy Lejeune, rédacteur en chef. Vraiment ? Thomas Morel, chef du service web depuis octobre 2019 (et enrôlé chez VA depuis 2017) n’est pas du même avis : « On compte beaucoup sur notre base d’abonnés web, qui est assez solide ». Au programme ? Du contenu payant, de l’enquête premium et des sujets sur Zemmour et Marion Maréchal à gogo, leur « thématique traditionnelle ». Tant que papi et mamie sont contents, et que les petits derniers comptent voter comme eux…
24 rue George Bizet, 75016 Paris


Par 
Violaine Epitalon