Post-confinement, tout sera plus chaud : le boulot, la famille, le coït… Après vérification, notre baroudeur de l’intime est formel : l’été 2020 sera un véritable « Summer of lust ». On se prépare pour la débauche à venir ?
Le petit hippie qui sommeille en moi aimerait croire au « monde d’après », ce monde post-pandémie dans lequel ce bolchévique de Nicolas Hulot espère une société « sans capitalisme sauvage », car « le temps est venu de ne plus se mentir et de dresser un horizon commun. » Le problème, c’est qu’assez vite le principe de réalité vient me péter le coccyx et me rappeler que « le monde d’après sera comme le monde d’avant, mais en un peu pire », selon la formule houellebecquienne. Après un effondrement économique de première, le marché reprendra ses droits, et notre leader suprême bien aimé sera re-élu triomphalement contre la bête immonde. Il nous assurera alors et comme il sait si bien le faire une société faite de paix, d’amour et d’ultra-libéralisme sécuritaire.
Ces prédictions sont merveilleuses, mais il y manque un facteur important, une pulsion aussi fondamentale que d’aller faire plusieurs heures de queue au drive du McDo : le sexe. Écoute-moi bien, ô lecteur, ô lectrice, c’est à ce moment précis que je décide de mettre mes couilles sur la table et de me risquer au grand jeu des prévisions. Oh bien sûr, je n’ai pas le talent prophétique d’un Jacques Attali, mais avec des observations fines et un bon shoot de cartésianisme à la française, j’ai bâti sur mon canapé-lit une thèse qui fera sans doute date : les 3 prochains mois sentiront le slip…
« CHARGE D’ADRÉNALINE »
C’est le regard de la voisine de l’immeuble d’en face – celle qui fume toujours des clopes au balcon – qui m’a mis sur cette piste. Je venais de faire mes abdos, je prenais l’air torse-poils à ma fenêtre, et là, j’ai vu son regard, le genre de regard qui te dit qu’elle pourrait te gober tout entier avec sa vulve. Moi qui ne suis pas bâti comme Charles Bronson, comment un tel désir à mon encontre était-il possible ? J’ai alors compris qu’il se passait quelque chose qui me dépassait dans cette nation. Mon intuition s’est confirmée lorsque j’ai appris que la vente de sextoys a explosé depuis le début de l’épidémie, que la consommation de porno a augmenté de 50%, et que la vente des tests de grossesses a elle aussi pris des ailes.
Bordel, la France enfermée a fantasmé. Elle s’est masturbée fort. Elle veut baiser. Évidemment, il me faut plus que de simples chiffres pour valider ces symptômes.
Je contacte deux proches qui me semblent fournir un échantillon représentatif de qualité de la France queutarde. Tout d’abord Jean-Pierre (les prénoms ont été changés), 32 ans, petit, des beaux yeux, un peu chauve et une libido très active. Il approuve ma théorie : « C’est vrai que pendant ce confinement, tout le monde était plus chaud du slip. Perso, j’ai reçu plein de photos de fouffes de nanas qui étaient assez prudes en temps normal. J’ai fait pas mal de sexe aussi par Zoom ou Skype, on se masturbait devant nos écrans. Mais le plus excitant, c’était d’aller chez une fille en pleine nuit. Il y avait quelque chose de transgressif, comme si on prenait des risques pour aller tirer une crampe… » Même vibration du côté de Martine, 40 ans, sculptée comme une statue grecque : « Passer deux mois avec mon godemiché, c’était mission impossible. Il m’est souvent arrivé de raser les murs pour aller voir mes amants. En plus de l’envie, j’étais chargée d’adrénaline. C’était vraiment pas mal. Paradoxalement, ça a été aussi un bon moyen de combattre ces putains d’angoisses de mort. Après, je t’avoue que lors du déconfinement, je risque de mettre les bouchées doubles, j’ai envie d’orgies sexuelles. »
« QUI NE S’EST JAMAIS TIRER LA NOUILLE SUR UN LIVECAM D’ANNA FURIOSA »
Les témoignages sont sans appel. Le confinement a agi comme un puissant aphrodisiaque, des préliminaires de choix avant que les hordes de sexes enfin libérés viennent s’entre-pénétrer. Je vous le dis et le répète : les 3 prochains mois vont être… chauds.
DÉCHARGE D’ÉNERGIE
Qui ne s’est jamais tirer la nouille sur un livecam d’Anna Furiosa a clairement raté sa carrière de branleur. Cette lolita gothique, avec son petit cul et son carré plongeant, est l’une des valeurs sûres de la plateforme pour adultes Cam4. Elle a également fait une entrée honorable sur Pornhub avec plus de 6 millions de vues sur ses vidéos. Au téléphone, elle me dit : « Au début du confinement, il y a eu une énorme hausse de followers sur mes séances de cam. Ça s’est ensuite un peu tassé. Mais la constante, c’est qu’ils étaient beaucoup plus présents, ils restaient plus tard sur mes shows… » Je l’interrompt, parce qu’il me semble entendre en arrière-fond des cris de nana et des bruits de fessées. « Ah, c’est rien ça » qu’elle me dit, « c’est un couple qui s’amuse à côté de moi. » J’aime bien l’ambiance. Elle poursuit : « En tout cas, ce qui est sûr et pour en avoir parlé avec pas mal de gens sur des sites de rencontre, c’est qu’on attend tous le déconfinement pour se sauter dessus, ça risque d’être assez épique. La cocotte-minute va exploser. »
Et elle a raison, il y a désormais trop de pression dans cette cocotte-minute remplie à ras bord de frustrations, d’hormones sexuelles, de désirs érotiques et d’orifices dilatés. Si l’on compte en plus les gueules cassées du couple (1 couple sur 10 va prendre ses distances après le confinement, sondage du Parisien du 5 mai) comme nouveaux venus sur le marché de la baise, tous les éléments sont réunis pour une énorme partouze nationale.
Alors, assisterons-nous à d’immenses bacchanales comme décharge d’une énergie vitale trop longtemps enfouie ? Je me tourne désormais vers les sciences humaines. Cathline Smoos, sexologue d’avant-garde et pionnière en matière de cybersexualité, va dans mon sens tout en calmant mes ardeurs de Nostradanus. Elle me dit : « Au début du déconfinement, tout du moins, quelques semaines après, quand l’été arrivera, on assistera sûrement à une urgence de vivre. Parce qu’on aura soudainement pris conscience que l’on a qu’une vie, on aura envie de vivre des passions joyeuses plutôt que des passions tristes. C’est comme après un accident ou une maladie, il y a un besoin de dévorer l’existence. Et puis ce temps de confinement nous conduira immanquablement vers une redécouverte et une excitation de l’autre. Par contre, je ne pense pas que la société soit par la suite plus libérée et égalitaire sexuellement. Les gens en difficulté avec le sexe continueront à l’être. » Elle conclut : « Disons que l’ambiance pendant cette période sera propice aux rencontres. Et puis, après l’été, les choses reviendront à la « normale ».
Bon, il n’y aura peut-être pas de partouze sur les Champs-Élysées, mais je n’en démords pas, ma théorie tient la route. Alors retiens-la lorsque tu iras acheter ta baguette et que tu ressentiras une gaule de taulard devant une jupe légère. Retiens-la aussi quand dans ta caisse, tu seras nerveusement à la recherche de boites à cul clandestines ou de séances de sexe en groupe dans le bois de Vincennes. Enfin penses-y lorsque dans ce monde déliquescent où nous serons bientôt tous dans la dèche, tu baiseras pour oublier. Car sache-le, pendant que le Titanic coulait, l’orchestre ne continuait pas de jouer, il s’envoyait en l’air.
Par Michael Petkov-Kleiner
Photos : Anaël Boulay