POINT PORCHER : FAITES-VOUS UN SPORT À DEUX BALLES ? 

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Le saviez-vous ? En faisant de l’haltérophilie tout seul dans votre salon, non seulement vous vous la jouez perso, mais en plus vous participez à l’appauvrissement sportif des collectivités locales. L’économiste le plus endurant de France ne vous félicite pas – et vous explique pourquoi.

À la veille des Jeux Olympique, il est intéressant de s’interroger sur la place qu’occupe le sport dans notre société. Derrière le mot « sport », il y a des enjeux qui dépassent le simple fait de pratiquer une activité physique pour être en bonne santé. Il y a également des questions de cohésion et d’inclusion sociales. Si le sport ne peut pas tout, il est un des éléments structurants du vivre-ensemble. Les élus locaux qui sont au plus proche du terrain le savent et ce n’est donc pas pour rien qu’aujourd’hui encore le premier financeur du sport en France restent les collectivités locales. Cependant, depuis 2015, ces collectivités ont vu leurs dotations diminuer, les obligeant parfois à faire des arbitrages douloureux pour le sport.

Au même moment, on assiste à une mutation de la pratique sportive qui tend à s’individualiser de plus en plus. D’ailleurs, le nombre de licenciés diminue en France. La pandémie du Covid-19, conjuguée à la baisse des dotations aux collectivités locales, semble avoir entraîné l’émergence d’une digitalisation du sport. Les vidéos sur YouTube ou TikTok de sportifs ou de kinés, expliquant des exercices de quelques minutes simples à reproduire, ou donnant parfois des programmes sur plusieurs jours, semblent s’imposer comme un nouveau modèle de la pratique sportive. Or, si une activité physique à domicile peut être bonne pour la santé, elle élimine complétement les interactions sociales propres à la pratique du sport en association.

ASCENSEUR SOCIAL

Le sport a souvent été érigé en solution à tous les maux de la société. Une sorte de couteau suisse qui doit résoudre toutes les inégalités. Avant même les questions liées à la santé et au fait qu’il faille casser les sédentarités, le sport était présenté comme un outil d’intégration, en permettant notamment aux personnes issues de l’immigration et/ou habitants dans des quartiers populaires de s’intégrer et peut-être même d’y trouver un ascenseur social.

Désormais, il semblerait que les questions liées à la santé soient prioritaires, comme le montrent les plans « sociosport-santé » mis en place par les municipalités pour lutter contre la sédentarité et différentes maladies chroniques qui y sont liées. Certes, nous avons de nombreux exemples de personnes issues de l’immigration ou des quartiers populaires qui, grâce au sport, ont pu changer de vie et il est aussi désormais admis que la pratique régulière d’activités physiques est bonne pour la santé, mais nous savons également, aujourd’hui, que le sport ne peut pas tout. Il ne pourra en rien remplacer le manque d’investissement dans les services publics relatifs à l’éducation ou la santé. Il ne peut également se substituer aux problèmes de pouvoir d’achat qui poussent les personnes à se nourrir avec des produits de moins bonnes qualités ou à reporter des soins médicaux. Le sport est certes important, mais il ne peut à lui tout seul résoudre tous les problèmes de notre société. Est-ce à dire qu’il faille le négliger dans les choix d’investissements ou s’en désintéresser dans la mise en œuvre d’une politique ? Bien sûr que non, mais il faut le mettre à sa juste place, celle d’un élément parmi d’autres, nécessaire à la santé et à la cohésion sociale.

SPORT 2.0

En 2013, François Hollande a décidé de mettre en place une politique de l’offre avec notamment le CICE. Cette politique visant à baisser les charges sur les entreprises a été en partie compensée par une baisse sur les dotations aux collectivités locales. Ce n’est pas moins de 10 milliards d’économies qui ont été faites sur les collectivités locales. De nombreuses communes parmi les plus pauvres ont vu leur budget alloué par l’État être divisé par deux. Cela a affecté entre autres les bibliothèques, les crèches, la culture et le sport. Rappelons que les collectivités sont propriétaires de 80 % des équipements sportifs recensés.

Cet état de fait avec la pandémie a créé les conditions idéales pour le développement d’une pratique sportive hors des clubs avec les influenceurs-sportifs. Des vidéos courtes, proposant des exercices facilement reproductibles, n’ayant pas d’autres besoins que celui du poids du corps, praticables n’importe où et dans un temps réduit ont littéralement remplacé les séances de sport en club. Mais, comme nous l’avons rappelé, le sport ne se limite pas à une activité physique, c’est aussi une activité sociale où l’on rencontre et où nous échangeons avec des personnes et parfois créons des amitiés, voire des relations amoureuses. Donc soutenir le sport en club, c’est également soutenir des liens sociaux dans une société qui s’individualise de plus en plus.

 

Par Thomas Porcher