PIERRE VANNINEUSE, VISIONNAIRE DU CANNA-BIZZ : « LE MARCHÉ DU CBD A DE BEAUX JOURS DEVANT LUI ! »

PIERRE VANNINEUSE

Pierre Vannineuse, 30 ans, est un prodige de la finance. A travers le family-office qu’il a fondé, Alpha Blue Ocean, il finance des sociétés d’avenir dans le secteur des medtechs, des biotechs, des cleantechs et … du cannabis ! Rencontre avec l’homme d’affaire le plus fun de sa génération pour parler de la plante qui fait trembler la France !

Fin décembre 2020, le gouvernement sortait un décret annonçant la suspension des ventes de fleurs de CBD. Le projet a finalement été avorté quelques jours plus tard. Quel regard portes-tu sur cette situation ?
Ça prête forcément à sourire. Je trouvais le timing curieux, notamment au vu du contexte politique en France. Mon autre source d’interrogation vient de la législation Européenne. A savoir la règle du CBD à -0,3% de THC autorisé dans toute l’Europe. Exceptée la France qui fait encore une fois exception avec un taux autorisé à 0,2%. Ce qui en soi ne fait strictement aucune différence. Quel intérêt pour le gouvernement Français d’aller à l’encontre d’un phénomène de société mondial, de l’avis de l’Organisation Mondiale de la Santé et contre les intérêts qu’elle semble défendre : la création d’emplois, la favorisation de nouvelles industries et une amélioration du niveau de vie des Français en général. 

Au même moment, il y a eu un décret au Portugal et en Italie visant à limiter l’usage des fleurs de CBD finalement… Est-ce un mal européen ?
Un mal européen je ne sais pas … sans doute. Un lien avec les échéances électorales à venir dans toute l’Europe sans doute. Ce qui est assez ironique dans tout cela, c’est que le Portugal et l’Italie sont, aux côtés de la Suisse, les locomotives de production de cette industrie. Avant chaque élection, il y a un sursaut conservateur en France et même dans beaucoup de pays latins, on va gratter du côté droit de la droite. Ce qui est dommage car en creusant un peu ses sujets et en leur portant l’intérêt qu’ils méritent, notamment sur le volet médical ou entrepreneurial, le tout couplé au savoir-faire Français, il y aurait de grandes choses à faire.

Que penses-tu de l’hypothèse qui dit que la légalisation du cannabis en France sera portée par un président dans son second mandat ? Pourquoi pas Emmanuel Macron s’il est réélu ? 
Peu importe mon analyse sur ta question. J’ai la conviction profonde que celle-ci doit être réglée par un référendum. On est sur un sujet à impact social et sociétal qui traine depuis trop longtemps. C’est aux Français de prendre leur avenir en main et de choisir la voie à suivre sur la question de la légalisation du cannabis. De mon point de vue, nous sommes encore très loin de la légalisation, même avec un second mandat d’Emmanuel Macron. La question est trop « Touchy » pour un président en exercice, de surcroit en France. Le référendum, c’est donner voix au peuple. Et sur le volet stratégie politique pure, ça offre une belle porte de sortie au président en exercice pour ne pas endosser la pleine « responsabilité » d’une potentielle légalisation (rires)

La France n’a pas forcément cette culture comme en Suisse par exemple où les référendums sont courants. Est-ce un défaut de démocratie ? 
Défaut ou déni … à toi de choisir. Si on se place du côté de l’histoire de la Vème République, rares sont les référendums à avoir donné satisfaction au Président en fonction. Que ce soit De Gaulle, puisque c’est très à la mode de le citer, ou Jacques Chirac. On peut assimiler cela à du vote sanction. D’une certaine manière, on refuse l’accès à la démocratie par peur de son jugement final. Et même si référendum il y a, quelle assurance pour les votants qu’en cas d’approbation, la légalisation soit appliquée ?

La question de la légalisation du cannabis pourrait passer par un référendum en France ? 
Ça serait pour le cannabis en lui-même, le CBD n’est pas concerné par la question de sa légalité. C’est comme si on avait un débat sur la chlorophylle, et qu’on se demandait si on doit interdire le gazon. 

On est toujours sur le même schéma de diabolisation, que ça soit pour un produit de bien-être…
(Il coupe) Je voulais lister une boite sur le marché français, qui ne voulait faire que des investissements dans le cannabis. Banques, Institutions et Régulateurs Financiers ont refusés d’instruire le dossier en se cachant derrière des faits de violences de personnes ayant consommé du cannabis. Je n’ai pas souvenir d’avoir assisté au même procès d’intention sur l’alcool qui cause beaucoup plus de ravages et créé, lui, une violence réelle, quotidienne et permanente.

Comment perçois-tu l’évolution, ou pas, du marché du CBD ? Est-ce un marché toujours attractif en dépit de l’actualité ?
J’aime bien comparer l’industrie du CBD à celle des bières sans alcool. Et chez Heineken, les plus gros volumes de ventes sont faits par les bières sans alcool ! Blague à part, le marché du CBD a de beaux jours devant lui et vient jouer un rôle de complément. On pourrait même présenter le CBD comme utilité de santé publique au vu du nombre de personnes qui s’en sont servies pour se sevrer du THC. Et les possibilités et les déclinaisons sont infinies. Ce que je déplore, c’est l’absence de débat public sur la question du CBD. Même d’un point de vue gouvernemental, cela représenterait une manne financière non négligeable … au même titre que le cannabis d’ailleurs. On peut prendre exemple sur l’Uruguay ou le Colorado. L’interdiction de la vente de fleurs de CBD ne fera que créer un nouveau marché noir sur un produit non stupéfiant. Ce serai un comble !

Le cannabis reste associé à quelque chose de négatif…
C’est le résultat de la guerre menée contre la drogue et de l’endoctrinement profond. L’herbe du diable. Si un produit qui pousse par lui-même peut permettre de remplacer, naturellement, certains médicaments qui sont sous brevets et qui ont été développées pour des centaines de millions, je ne pense pas que ça fasse l’affaire de certaines industries. Et paradoxalement, je pense aussi que ces industries peuvent faire bouger les choses sur cette question. 

Comment pourrait évoluer le marché du cannabis alors ? 
C’est ce que je disais précédemment … le marché évoluera à force d’investissements, d’innovations et d’une bonne dose de pédagogie. Je suis sans doute assez dur dans mes propos, mais je ne fais que constater. Si je voulais y apporter de la nuance, je veux bien concéder à la France que le bon wagon a été pris sur la question du cannabis thérapeutique … mais il y a encore un immense retard à combler. Les futurs leaders de l’industrie du cannabis sont en Suisse, en Belgique, au Luxembourg. Ils auraient dû être en France, pays de tradition ouvrière millénaire et terre agricole depuis toujours mais bon…

C’est tout bête mais déjà quand tu te présentes avec un projet en rapport avec le CBD c’est une mission pour ouvrir un compte bancaire…
En France c’est très difficile, j’ai mis en place des relations avec des banques internationales, dans des pays raisonnables et donc je fournis des accès bancaires aux sociétés. Tout ça vient du fait que c’est une industrie alimenté par le fantasme de l’illégalité et du crime. L’idée de légaliser permet de détruire ça. Mais si c’est une nouvelle industrie qui est en très forte demande, il va y avoir beaucoup de mouvements de cash parce qu’il y aura beaucoup d’acheteurs et de clients qui se tiennent prêts. 

Et comment tu envisages cette potentielle régulation ?
Si tu ne peux pas banquer, ça veut dire que quelques points vont accumuler beaucoup de cash très rapidement. Et donc, ça devient des cibles intéressantes pour la criminalité. Derrière, tu peux sortir des statistiques, comme quoi depuis qu’il y a un point de vente qui s’est mis en place à tel endroit pour du cannabis, il y eu de multiples infractions et une hausse de la criminalité. Après, mets un échange de cash sur place, tu verras que tu auras le même résultat. Par contre si tu pouvais banquer avec des gens payés avec leur smartphone ou leur carte de crédit, ça serait tout de suite beaucoup plus compliqué de continuer à rendre criminogène une industrie légalisée. 

Tu parlais d’une libération par le secteur privé …
Oui, il y a un fond qui vient d’être créé en France pour traiter des questions afférentes au cannabis européen. Il s’agit d’Oskare Capital et nous y avons investi avec Alpha Blue Ocean. Ce projet est notamment porté par leur président, Bruce Lington. Un homme d’expérience sur ces questions ! Leur vision, à laquelle je souscris, est que le seul cannabis qui pénètrera l’Europe à court et moyen terme, sera le cannabis médical. Il faut que ça soit uniquement médical. 

Tu as d’autres projets dans l’industrie du cannabis et du CBD sur l’année 2022 ?
(Rires) … On est déjà en plein dedans. Sur la période Janvier/Mars, nous avons participé au tour de table d’Oskare Capital et nous avons financé Halo Collective, une entreprise américaine/canadienne, à deux reprises en l’espace de quelques semaines pour les soutenir dans l’accélération de leur développement. Nous travaillons également à un rapprochement entre le leader du CBD en Europe, qui, si je ne m’abuse, vous connaissez assez bien et une entreprise de cannabis Outre-Atlantique. La réponse est dans la réponse !


Par Julio Remila