« ET SI NOS ANNÉES 2020 ÉTAIENT RÉVOLUTIONNAIRES ? »

Arielle Dombasle Nicolas Ker Technikart

Nicolas Ker et Arielle Dombasle, auteurs du somptueux Empire, vivaient déjà dans un espace-temps parallèle. Et si nous profitions de la promesse d’un monde nouveau pour les y rejoindre ? Rencontre lunaire.

On ne s’est pas embrassés, mais c’était tout comme. En retrouvant Arielle Dombasle et Nicolas Ker dans ce studio photos de la Mairie de Clichy à la mi-mai, ces derniers mois de mise à distance s’effacent d’un coup. En un bonjour chaleureux, c’est le retour à l’anormale. Les gestes barrières ? Très peux pour nous !
Le crooner post-apocalypse et la chanteuse lyrique sont là pour nous parler de leur nouvel album à deux. Première impression : en ayant traversé un Paris terrorisé par les mesures sanitaires, celle d’être en présence de deux dangereux punks. Tant mieux. Nous tentons de leur dire tout le bien que nous pensons de cet album, Empire, écouté en boucle ces dernières semaines. De ses orchestrations dignes du Ocean Rain d’Echo and the bunnymen. Du mariage de leur voix, par moments Cave et Kylie, par d’autres, Nancy and Lee. Un grand disque élégiaque venu à point nommé pour nous accompagner dans ces mois troubles. Mais nos deux étoiles ont d’autres priorités. À commencer par : comment faire pour cloper pendant son interview dans un monde sans terrasse ?

 

Ce confinement est mal tombé : vous deviez sortir Empire, vous répétiez pour le live…
Nicolas Ker : Avec notre groupe, où il y a Mark Kerr, Henri Graetz au violon et Arnaud Roulin aux claviers, ont fait un boucan incroyable ! On termine par une reprise du Velvet, « Sister Ray ». Ça dure quinze minutes : pendant cinq minutes, Arielle chante du Guillaume de Machaut par-dessus ; puis c’est dix minutes de noise et de disto… Le public d’Arielle, les gens qui ont entre 7 et 77 ans, ils sortent en disant : « Enfin on voit du rock’n’roll ! » Il ne faut pas oublier qu’ils ont connu les Doors, les Stooges… (Arielle et Nicolas allument des cigarettes.)

Pardon, on ne peut vraiment pas fumer ici…
Arielle Dombasle : Qui a dit ça ? Ne vous inquiétez pas : personne ne nous verra. Et si on nous surprend, dites que nous sommes des têtes brûlées – ça va bien avec la cigarette.

Arielle Dombasle Technikart
BUNNY DOMBASLE_
Notre coverstar, dans sa tenue de ville, est venue nous rendre visite dès la fin du confinement. Qui lui dira que les cigarettes sont désormais interdites ?


Aux Grosses Têtes, vous êtes entre têtes brûlées, non ?

NK : Hélas, Bénichou est mort !
AD : Il avait cet esprit fou, cette espèce de férocité, aucune forme d’autocensure, alors que tout est tellement censuré partout. Le politically correct a tout envahi.
NK : Le puritanisme a tout envahi, je le savais ! Dès que le porno est apparu sur internet, je le disais : dans cinq ans, il va y avoir un backlash… Le porno était tabou avant, c’était initiatique ; aujourd’hui tout est à disposition, sous la couverture du puritanisme.

C’est pareil pour la musique ?
NK : La musique maintenant c’est débile !
AD : Il n’y a plus que des fakes, Nicolas est le dernier des rockeurs.
NK : Je suis comme Sinatra ! Sinatra pleurait vraiment quand il chantait.

« IL N’Y A PLUS QUE DES FAKES, NICOLAS EST LE DERNIER DES ROCKEURS. » ARIELLE DOMBASLE


Avant toi, Nicolas, il y avait qui ? Daniel Darc ?

AD : Oui, Daniel Darc était le dernier, il incarnait vraiment sa musique, il n’y avait pas de pose.
NK : Il prenait ce qu’il disait au premier degré. Pas comme Christophe. Lui ne me comprenait pas. Il avait demandé ça à sa manageuse un jour, dans sa loge : « Qu’est-ce qu’on fait de Nicolas Ker ? »

N’est-ce pas une question que se posent beaucoup de gens quand tu es dans une loge ?
NK : Je ne vais pas dire du mal de Christophe, le pauvre, mais c’était un entertainer. Il a fait des grands disques, mais il ne croyait pas une seconde à ce qu’il chantait, alors que Sinatra lui y croyait.
AD : C’est pour ça qu’il provoquait l’hystérie : au cœur de ce timbre de velours, il y avait la vérité.
NK : Exactement ! Moi pareil : à l’époque de Poni Hoax, les premiers rangs étaient en larmes !

Un rockeur doit être un agneau sacrificiel ?
NK : Pas forcément. Mais il faut chercher en soi les ressources…
AD : Il faut être habité.
NK : Hanté !
AD : Habité corps et âme et sang.

Toi, Nicolas, tu as trouvé ça chez Arielle ?
NK : Elle est dans l’entertainment.
AD : Je suis plus a performer. J’ai une trajectoire plus classique : des heures et des heures de solfège et de travail sur la voix – la voix est comme un animal qu’on a et qu’il faut dresser.
NK : Vous avez trop fait de films, Arielle ! Vous êtes une actrice ! Je ne suis pas un acteur, moi. Je me fais seppuku sur scène.
AD : C’est pour ça qu’il est tout à fait un personnage de Mishima. Et puis il a cet excès dionysiaque.
NK : Pas tellement, Arielle…
AD : Quand même, si. Enormément. La moitié de l’album a été conçu dans les hôpitaux quand vous faisiez vos rehabs. L’hôpital est un de vos lieux.
NK : C’est insupportable, l’hôpital !

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Technikart 240 Arielle Dombasle

Empire (Barclay/Universal).

Entretien Louis-Henri de la Rochefoucauld & Laurence Rémila

Photos Eddy Brière
MUHA Antoine l’Hebrellec
Vidéo Greg Kozo
DA Alexandre Lasnier