MACRON, SAISON 2 : HOUELLEBECQ AVAIT-IL TOUT PRÉVU ?

Michel Houellebecq

De son gratte-ciel des Olympiades, le plus grand romancier français avait tout vu (ou presque). Alors, faut-il lire Houellebecq pour mieux anticiper la vie politique française ?

Dans Anéantir, paru en janvier, Michel Houellebecq imagine l’élection présidentielle de 2027, qui oppose une sorte de Jordan Bardella, l’actuel président par intérim du Rassemblement National, à un mélange de Cyril Hanouna et Yann Barthès, soutenu par Emmanuel Macron. L’élection « cru 2022 » valide-t-elle ses prédictions ?

1) Il ne se fait pas une très haute idée des politiques
Houellebecq synthétise en quelques mots ce que les Français pensent, d’après la plupart des enquêtes d’opinion : « Le Président a une conviction politique, et une seule. Elle est exactement la même que celle de tous ses prédécesseurs, et peut se résumer en une phrase : “Je suis fait pour être président de la République”. »

2) Il a anticipé la répartition de l’électorat en trois blocs…
En 2027, « le candidat du Rassemblement national était à 27 %, Sarfati (le candidat macroniste, ndlr) à 20 %, et l’écologiste à 13 % – les candidats des anciens partis de droite et de gauche se répartissaient les voix restantes dans un pittoresque désordre. » Houellebecq n’a pas vu la montée en puissance de Mélenchon ou l’apparition de Zemmour. Ou bien, il pense que ce sont des épiphénomènes qui ne tiendront pas jusqu’à la prochaine élection.

3) …et prévu l’effondrement de la gauche de gouvernement
« Laurent Joffrin va me faire un truc dans L’Obs », annonce la conseillère en com’ du candidat macroniste : « L’idée, c’est de faire bouger les centristes humanistes, tu vois les gros mous ». Avant de constater plus loin que la stratégie ne fonctionne plus : « Les ténors de la “gauche morale” étaient devenus définitivement inaudibles (…) les gros mous humanistes n’avaient pas bougé. »

4) Bonnet blanc et blanc Bonnet ?
Il n’est pas très optimiste quant aux différences qui subsistent entre les « progressistes » et les « patriotes », comme l‘explique la communicante de l’Élysée dans Anéantir : « Le problème, c’est que le public est persuadé que, sur le plan sociétal, on a les mêmes positions que le Rassemblement… »

5) Ce n’est pas la première fois qu’il voit juste
En 2001, Houellebecq racontait un attentat islamiste d’envergure en forme de point final de son roman Plateforme qui paraissait 15 jours avant le 11-Septembre. En 2015, il imaginait dans Soumission une France devenue une république islamique et le roman sortait le jour de l’attentat de Charlie Hebdo. Islamophobes ? Caricaturaux ? Ces romans ont ensuite été regardés d’un autre œil.

6) Il a un programme pour Macron
Pour son second quinquennat, il imagine que le Président délaisse « les fantasmes de la start-up nation qui avaient fait sa première élection, mais n’avaient objectivement conduit qu’à produire quelques emplois précaires et sous-payés, à la limite de l’esclavagisme, au sein de multinationales incontrôlables. » Le chef de l’État choisirait donc de mettre en place une forme de ré-industrialisation dont le symbole serait la résurrection de Citroën. 

7) Pour lui, politologue n’est pas un métier
Houellebecq a une vision très négative du rôle des sondages et du fonctionnement de la démocratie contemporaine : « Il n’y a aucun commentaire raisonnable à faire sur les fluctuations de l’opinion publique (…). La libre circulation de l’information tend à introduire de l’entropie dans le fonctionnement des systèmes hiérarchiques de pilotage, et à terme à les détruire. »

 

Verdict : Michel Houellebecq a pressenti les grandes tendances de la dernière élection. Mais cela fait-il de lui un visionnaire ? Ou son roman dénote-t-il son pessimisme foncier, qui est en phase avec la décomposition actuelle du paysage politique ?


Par 
Jacques Braunstein