L’I.A. VA-T-ELLE BOOSTER VOTRE COEUR D’ARTICHAUT ?

i.a.

Et si l’IA pouvait sauver notre vie affective ? Alors que nos nouvelles « amies », les IA génératives, nous refilent déjà le FOBO (fear of being obsolete), les IA interactives qui leur succédent pourraient résoudre une autre peur de notre époque, le FOBU (fear of being unloved). Sous IA, l’amour parfait ?

Légende photo : CYBER-COPINE_ La collection Heaven FW23 de Marc Jacobs met en scène Bella Hadid et son cyber-clone branché à l’IA. Comme Bella, aura-t-on tous demain un avatar pour nous aider à trouver l’âme sœur ?

Le champ des relations affectives serait-il plus polarisé que la NUPES sur la question de la merguez ?
Car pendant que certains futuristes extrémistes se tapent des clones virtuels alimentés à l’IA, d’autres nostalgiques régressistes font des centaines de millions de vues sur Tiktok avec la trend « traditional wife », qui fantasme le couple des années 1950 (ah, les ravages de Peaky Blinders…).

Au-delà des fantasmes, l’avenir de la relation affective pourrait bien se trouver dans un entre-deux, en mettant l’IA au service des relations d’humains à humains. Un peu comme dans cette campagne entre futurisme et nostalgie Y2K pour la collection « Heaven » de Marc Jacobs, et avec une Bella Hadid accompagnée de sa cyber-twin inspirée par l’IA.

Tout un tas d’applis promettent déjà de transformer n’importe quel gugusse en un vrai cyber-Casanova de Tinder. À l’image de YourMove.AI, un « AI-generated flirt support », qui a pour baseline, « We can make it easier. So you can spend less time texting, and more time dating ». L’appli Rizz (« charisme », en anglais) promet de réduire « de une semaine à deux ou trois jours » le temps entre le premier message et le premier date. Sous IA, on date mieux, et plus vite.

Ces applis analysent les conversations et filent des tuyaux pour engager une discussion, la rendre intéressante ou faire passer des opinions. Elles aident aussi à créer un profil ou à trouver le lieu parfait pour un date. Alors qu’un quart des Français se sont rencontrés en ligne en 2022, ces Hitch virtuels pourraient avoir un glorieux avenir. Et ce n’est que le début.

I.A. DE POCHE

Demain, ces bras droits virtuels vont agir sur un spectre bien plus large. C’est en tout cas ce que pense Google, qui planche via l’entreprise DeepMind sur un « AI personal Life Coach », pensé pour « répondre à des questions intimes liées à des challenges dans la vie des gens ».

Pour Mustafa Suleyman, cofondateur de DeepMind (vendu en 2014 à Google), qui a depuis créé le projet Pi (Personal Intelligence), « tout le monde aura une intelligence personnelle dans la poche, une aide intelligente et capable (…) Quelque chose d’un genre nouveau, qui est à la fois un coach, un confident, un conseiller, un assistant personnel digital tout en un ». Car l’étape après l’IA générative à la ChatGPT, ce sera l’IA interactive.

On pourra leur confier des missions qui impliquent différentes tâches sur différents logiciels, et elles évolueront surtout en fonction des goûts et des habitudes de chaque utilisateur. Elle engage la discussion, pose des questions, vous fait préciser votre pensée, et se souvient des échanges.

Si ces assistants ont un jour accès à toutes nos données, ils pourraient nous connaître mieux que n’importe quel psychologue dans ses rêves les plus fous – voire percer certains grands mystères. Ces IA dotées d’intelligence émotionnelle deviendraient alors de véritable alliées sentimentales pour chacun de nous, car plus vous parlez à votre IAssistant, plus il devient intelligent, vous comprend, et peut donc vous aider.

AMOUR ROMANESQUE

« Dans un groupe d’humains avec un robot, quand on programme le robot pour faire des erreurs, les reconnaître, et faire des blagues, on a vu un que ça changeait la manière dont les humains échangent entre eux. Leur comportement peut être modifié favorablement en fonction du réglage du robot. Ces machines agissent de manière sociale, et modifient donc nos propres interactions sociales », explique le sociologue américain Nicholas Christakis (Yale), qui a fondé le Human Nature Lab, où il mène des expériences autour de l’impact qu’ont les robots sur les relations humaines.

Et quand on parle des IA personnelles, notre expert va plus loin : « Une machine gentille, compréhensive, humanisée, et qui nous connaît bien, pourrait améliorer l’estime et l’acceptation de soi. Comme pour les thérapies avec les animaux ». Comme me disait récemment le cyberpsychologue français Frédéric Tordo, « on ne construit plus nos avatars à l’image de nous-mêmes, on se construit nous-même par rapport à l’image de nos avatars ».

Si l’homme imite ses machines, l’utilisation d’IA personnelles à la liberté totale – et non-genrées – pourrait donc modifier la relation que nous avons à nous-même, et donc aux autres. Sous IA, serons-nous plus libres ? Pour l’autre cyberpsychologue français de référence, Serge Tisseron, il est possible que « quand on aura l’habitude de partager un grand nombre d’émotions avec ces machines, il sera difficile de penser l’émotion sans partage ». S’il est dur de prédire avec certitude comment nos relations évolueront sous IA, il n’est pas impossible qu’elles soient plus libres et intenses, mais aussi plus théâtralisées. Alors que nous n’avons jamais été aussi connectés par Internet, nous n’avons jamais été aussi seuls. L’IA renversa-t-elle la donne ? Affaire – sentimentale – à suivre.

 

Par Jean-Baptiste Chiara