Hygiéniste, récréatif et jouissif, ce siècle aura forcément des drogues à son image. Notre journaliste a mené l’enquête – avec modération !
À moins d’habiter dans un village comptant moins de 150 personnes, vous avez sans doute vu fleurir un peu partout dans les villes de France des dizaines de boutiques spécialisées où l’on peut se procurer du CBD ; l’abréviation du terme « cannabidiol ». Si vous avez raté un épisode, nous parlons ici d’une molécule qui fait partie des nombreux cannabinoïdes présents dans le cannabis. À l’inverse de l’actif le plus connu de la plante, ce CBD ne présente pas d’effet stupéfiant et ne contient que très peu de THC. Disponible sous plusieurs formes – fleur, huile ou produits alimentaires —, les experts s’accordent à dire que cette molécule « pourrait bloquer les effets addictifs de certaines drogues d’abus » ou encore « moduler les niveaux d’anxiété et réduire certaines réponses au stress ».
En accord avec ces spécialistes, Patrick*, programmateur de 29 ans, nous explique : « Je suis un ancien fumeur de weed. Je consommais plusieurs joints par jour, tous les jours. J’ai fait ça pendant au moins un an, avant de commencer le CBD. Je me suis retrouvé par hasard devant un magasin et la curiosité m’a poussé à goûter. » Il avoue, comme bien d’autres, avoir trouvé en cette drogue (très) douce, un substitut de choix : « J’ai retrouvé tous les marqueurs de la weed, mais sans la défonce… »
DOSES LIMITÉES
Autour de nous, nous avons remarqué que cette manie à drastiquement réduire les doses était en train de faire son bonhomme de chemin, quels que soient l’âge ou les drogues utilisés. Pour sa part, Abel*, éditeur de 42 ans et consommateur de LSD, a aussi opté pour le microdosing, ou presque. Avant de parler de lui, il nous précise les origines de cette tendance : « Cette pratique vient vachement de la Silicon Valley. Ils en prennent tous 1/10 d’une dose normale, une fois par semaine. Ça leur permet d’être focus, et ça fait aussi office d’antidépresseur. » Maintenant, le concernant, il développe : « Mon ex était toujours à la recherche de nouveautés. Très nerd des sciences, elle est tombée là-dedans. Je l’ai suivie, et j’ai gardé une pratique récréative. Je n’ai jamais pris un buvard en entier ou quoi que ce soit. C’est vraiment pour maîtriser ma montée, et c’est aussi une question d’efficience au travail. De là à dire que ça améliore ton état… je reste perplexe. Mon ex le faisait, et force est de constater que c’est maintenant mon ex ! »
Dernier exemple, Maya*, 26 ans. Adepte de produits psychotropes « depuis la vingtaine », cette dessinatrice avoue avoir eu une « consommation importante et régulière », avant qu’un jour, elle ne sombre dans un « gros bad » ; une sorte de « trip qui a mal tourné ». Sans pour autant vouloir tout arrêter, mais bien décidé à ne « jamais revivre cette expérience », la Parisienne a cherché une alternative : « Une amie m’a parlé du microdosing. Avec ces doses limitées, quand je prends des champignons hallucinogènes, il n’y a que des effets positifs, ce qui n’était clairement pas le cas avec des quantités plus élevées. » Parmi ces bon points, Maya* avoue être « plus ouverte d’esprit », ou encore « plus concentrée ».
À l’image de ces trois façons d’appréhender la consommation de substances psychoactives, nul besoin d’être devin pour savoir que les prochaines nouveautés psychoactives seront « mini », « micro » et « moins nocives ». Gageons qu’au cours de ces prochains mois, un entrepreneur borderline promettra « une version CBD-lite de l’héro’ ou de la cocaïne »… On prend des paris ?
*Les prénoms ont été modifiés sur demande de Julie du service juridique.
Illustration : série How to Sell Drugs Online (Fast)
Par Jacques Simonian