#LAPUTAIND’IDÉE

ronan chastellier Technikart

«C’est con, elle était bien cette idée» 

Technikart consacre joyeusement son « spécial pub » à la putain d’idée. L’idée vous savez, qui nous scotche, qui nous laisse bouche bée et dont on se dit ah ouais quand même ! Les gens sont inégaux sous l’angle de ce don créateur d’idée. C’est ce qu’on ressent devant le palmarès du club des AD depuis des lustres, depuis 50 ans déjà (Happy birthday club des AD !) et autant de choc d’idée. L’occasion pour nous de faire un point GPS sur “où va l’idée aujourd’hui ?”, ce qui se passe vraiment avec l’idée ou le manque d’idée, la concrétisation de l’idée et le décalage entre l’infini de l’idée et quoi ?… La petitesse du réel ? Dans notre article énervé “Putain d’idée”, nous campons l’air du temps et passons en revue les datas qui ne font pas rêver, la digitalisation, les nouveaux formats qui font pouette pouette et les sous idées qui prolifèrent.. pour tenter de retrouver la lumière au milieu du brouillard. Dans la lumière ou plutôt les étoiles, Technikart donne aussi la parole à Alexander Kalchev, triomphateur du jour au club des AD avec des trucs forts sur Mac Do, UbiSoft, la Sécurité routière…
De même, dans cet interview « Dieu, la bouffe, la pub » Gabriel Gaultier patron de l’agence Jésus, qui fait un peu figure d’oracle ou de pythie dans la profession, décoche quelques flèches qui vont dans la même direction, la misère de la non originalité et aussi « trop de gens qui n’aiment pas, ne comprennent pas l’idée », dit il.
Mais l’idée, la putain d’idée est bel et bien là comme le canard de Disney. Joyeusement dans ce Technikart nous avons passé en revue les pubs qui défrisent, qui laissent entrevoir un monde qui sourit et des tendances marrantes.
La « paire de trois chaussettes » imaginée par Gilles Fichteberg est plus qu’un phénomène minuscule contemporain. Les « acteurs pornos au secours des abeilles », pensé par Stéphane Xibérras est bien plus que de la pub. De même, ce lubrifiant qui selon Sylvain Thirache devrait sauver l’amour !
Dans « C’est quoi ce bordel », nous faisons réagir intellectuels, égéries, écrivains, artistes ou showman TV à ces putains d’idées. Bon Technikart, les amis… Sous l’égide de l’idée !

Ronan Chastellier
Rédacteur en chef


C’est quoi l’idée déjà ?

idee pub technikart

Dans le club chic des patrons d’agence, entend on les clochettes d’argent lorsqu’on est confronté à la « big idea » ? Oui, mais avec une certaine tendance à mettre les idées en coupe réglée.

Raphael de Andreis Technikart

 

Raphael de Andreis

Président directeur général d’Havas France et président de l’Udecam


« L’idée c’est comme un bourgeon qui éclot au printemps. »

La putain d’idée, çà vous fait quoi en général ?
La grande idée avance masquée. On ne sait pas toujours que c’est elle. Pas du wahou, la vraie grande idée infuse, c’est comme une graine qui éclot doucement, un bourgeon au printemps, plutôt qu’un feu d’artifice. La légende de la vraie grande idée qui est en train de naitre spectaculairement sous nos yeux n’existe pas.

En matière d’idée, il paraît qu’on doit beaucoup aux rebelles ?
La rébellion est ringarde. Mais la désobéissance du talent doit être là, il faut la cultiver, un talent doit désobéir à la norme, à ce qu’on attend de lui. Mais la désobéissance a une finalité qui va dans le sens du métier alors que la rébellion est une posture. Et puis, on ne peut pas être rebelle avec des tickets restaurant, à un moment çà ne va pas.


Thierry Jadot Technikart


Thierry Jadot

Président de Dentsu Aegis Network France


« Devant une belle idée, il y a une excitation qui monte.. »

La création selon vous c’est un truc d’artiste ou çà devient un peu l’usine ?
La créativité ne peut se résumer à un ou 2 noms. Elle advient lorsque nous avons parfaitement défini une problématique et les enjeux et aussi quand nous désignons la bonne équipe, le bon process. Nous avons aussi une approche ouverte sur l’extérieur en matière de collaboration créative. Pour gagner en impact, nous tissons des collaborations avec des créateurs, designers, directeurs artistiques, architectes, artistes qui
sont des moteurs.

Confronté à une belle idée, comment réagissez-vous ? Vous arrive –t-il d’avoir une réaction je dirais physique ?
J’ai une érection. Non sérieusement, devant une idée ou un concept puissant, il y a clairement une excitation qui monte dans l’équipe, c’est communicatif et l’envie de la confronter, la discuter pour en percevoir tous les tenants et aboutissant. Comme disait John Hegarty, une bonne idée est une idée qui donne des idées. Parfois ce qui semble être une bonne idée de prime abord peut se révéler ne pas l’être. Inversement une idée écartée rapidement peut se révéler puissante. Ce que je veux dire c’est qu’il y a l’idée en tant que telle et la capacité de déploiement de l’idée, et que ces 2 choses doivent être jugées de façon presque concomitantes. Ensuite se pose la question de vendre de l’idée. Heureusement une bonne idée s’impose avec une forme d’évidence…

Comment vous débrouillez vous avec ces électrons libres de créatifs ?
Je crois qu’il faut sortir de cette vision de l’archétype du créatif rebelle.
Le processus créatif n’est plus l’objet d’un créatif mais d’un ensemble d’individus. Ce qui exige une capacité à travailler ensemble, à s’écouter, à être fiable. Le créatif que l’on peine à manager n’est plus acceptable dans nos métiers. Et lorsque l’on évoque des collaborations avec des artistes ou des créateurs en tous genres, c’est notre travail de faire comprendre au client que nous l’avons choisi pour son univers, ce qu’il est et qu’il faut donc le respecter.


Eric Elias Technikart

 

Eric Hélias

Président fondateur de l’agence Mutant Paris

« Même Insta- gram ne peut pas se passer de mots »

La data ne crée t elle pas un stress chez les créatifs ?
L’arrivée des réseaux sociaux et du traitement de la data ont apporté de nouvelles contraintes aux créatifs, ce qui est en soi extrêmement
positif car la contrainte est un moteur.

On a l’impression que dans la pub aujourd’hui, les mots c’est de l’histoire ancienne ?
Au contraire, même des plateformes originellement dédiées aux images comme Instagram ne peuvent se passer de mots. C’est une alliance indéfectible du mot et de l’image qui fait la création publicitaire. A nous de jouer pour sublimer les contraintes.

On a aussi l’impression d’être fliqué avec les datas ?
La pub est par définition intrusive, mais elle doit l’être avec finesse et discrétion. La difficulté avec ces nouveaux outils c’est de trouver un juste milieu pour ne pas être trop intrusif malgré la quantité de datas disponibles.


Alexander Kalchev

Directeur de la création agence DDB

alexander kalchev technikart

«L’interview qui tourne autour du pot. Alexander Kalchev créatif couvert de prix, de boules et de gloire revient sur cette satanée idée.

DDB Paris est un bon cru on dirait cette année. Comment vous expliquez ce truc créatif encore existant avec l’agence de « Bill Bernbach» ?
Je crois avant tout qu’on essaie de dire la vérité de la manière la plus intéressante. C’est çà Bernbach. Des campagnes profondément honnêtes, car selon Bernbach on ne pouvait vendre un mauvais produit qu’une seule fois, pas deux. Dans un contexte où aujourd’hui, on est sans cesse en train de nous vendre un truc, il faut réfléchir à ça. La pub Volkswagen «Think small» est un très bon exemple d’humilité aussi.

Tout le monde s’agite aujourd’hui à propos de la data ?
On pense que la data va résoudre tous les problèmes, mais c’est rien, ce n’est pas une réponse. La data quand elle est bien analysée, donne au mieux une information du type « ce serait bien d’avoir 3 sièges bébés à l’arrière de la voiture.. » Pouvoir parler à chacun individuellement, je comprends bien la séduction de la data, mais cet ultra ciblage ne marche pas et avec ça, la pub a tendance à devenir un leaflet, un flyer sans grande idée. Et puis il y a le côté éthique. On ne se rend pas compte aujourd’hui quand on accepte tous les cookies de notre renoncement à la Liberté… En fait, il ne faut pas sous-estimer la publicité d’avant la data. Regarder la publicité très romantique de 3min pour Intermarché, passée sur TF1 puis sur Internet, qui montre bien qu’une bonne idée à l’ancienne peut réunir et séduire les gens autant voir mieux qu’une pub super ciblée.

Ça fait quoi Instagram sur la Pub ? Est ce que ça ne concentre pas l’attention sur l’aspect plus visuel en laissant complètement de côté l’écrit ?
Instagram, c’est beaucoup de contenus produits jusqu’à la saturation. C’est le monde du scroll infini, une façon très superficielle de considérer l’image où on ne retient plus rien. C’est plein d’images produites mais pas d’images iconiques si on veut bien penser à Helmut Newton et tout ce qu’il y avait avant. Je crois que c’est encore dans la presse, au New York Times par exemple qu’on produit des images iconiques. Je n’ai, pour l’instant, pas vu de choses très réussies sur Instagram.

Comment çà se trouve une idée digne de ce nom ?
Avec du temps. Un film se fait en trois fois. Quand on l’écrit, quand on le tourne, quand on le monte. Avec une idée c’est pareil, quand on l’écrit c’est parfois exceptionnel et quand on la produit, çà peut ne pas être super. Il y a plein de possibilité aujourd’hui pour produire du contenu pas cher, mais c’est complètement inintéressant, il manque une idée. Ces images sont consommées en 15 minutes, le côté éphémère nourrit la pollution visuelle. Souvent les créatifs veulent faire quelque chose de bien et puis par manque de temps, çà se termine avec des images de stock et des trucs un peu plats.

C’est toujours la première idée venue qui prime ?
Il y a des créatifs qui veulent sortir le maximum d’idée dès le début pour exorciser le problème ou se vider la tête. Et bizarrement, c’est trois jours plus tard qu’ils trouvent l’idée alors qu’ils pensaient avoir tout dit. Mais la plupart des idées aujourd’hui sont des « first idea » par manque de temps. L’autre problème c’est qu’aujourd’hui on met 10% du budget sur l’idée et 90% sur l’achat d’espace, il faut investir médiatiquement sur une super idée sinon elle n’est pas vue. Beaucoup d’idées sublimes sont diluées par manque d’argent.

Dans la pub pour la sécurité routière, vous avez choisi une approche à contre-courant, poétique et sensible, vous nous racontez ?
Il y a une fatigue dans la compassion. Et les ONG sont un peu bloqué dans leurs codes de communication avec des campagnes chocs qui sont de moins en moins efficaces car on en a trop vues. J’ai choisi de parler aux gens des choses qui comptent et qu’on peut perdre juste en accélérant sur la route. C’est le même principe dans la pub pour Amnesty International, montrer les victoires plutôt que les conflits, donner envie de gagner une bataille plutôt que de déplorer les victimes.

Vous avez expliqué un jour à Cannes qu’on peut très bien faire des films pas chers qui remportent la mise…Pour Hennessy avec Ridley Scott, vous avez plutôt opté pour une super production hollywoodienne..
Ce qui m’intéresse, c’est le « scroll ». Je dois être aussi intéressant que les supers héros. Je cherche à créer des images que je n’ai jamais vues avant.

Melchior et Louis Bretagne


 

L’interview qui refait le monde  Gabriel gaultier Technikartavec Jésus
(Gabriel Gaultier)

Dieu,
la bouffe,
la Pub

Pourquoi ce côté légèrement christique de ton agence de pub avec ce nom « Jésus » et aussi pourquoi ce positionnement « Bouffe » ?
Après Leg, je suis reparti de zéro, je ne pouvais reprendre mes clients, j’étais tenu par contrat. Il me fallait un nom qui cartonne tout de suite, un nom avec un esprit à la Jean Yann pour provoquer. Mon positionnement bouffe était cohérent avec
çà, ce qui m’intéressait, n’était pas le côté recette, je ne suis pas vraiment un sybarite, mais le côté culturel et religieux autour de la bouffe. La bouffe, c’est infiniment religieux, pas simplement avec les symboles les plus immédiats comme le pain et le vin mais le poulet frite qui d’un point de vue non occidental est extrêmement exotique, autant disons que peut l’être pour nous le tofu. L’apéro aussi, c’est très dense culturellement. Çà t’amène à Paul Ricard à la culture méditerranéenne comme le hamburger t’amène aux US, qui t’amène à la Junk food, qui t’amène à la ségrégation etc.. La bouffe est la métaphore de choses extrêmement puissantes et importantes.

Et dans la foulée, vous avez fait Jésus Magazine…
Oui le magazine nous permet d’explorer tout le travail qu’on fait pour nos clients et qui n’aboutit pas forcément à une affiche ou un spot. Ce sont des expérimentations sur un sujet. Pour Jésus 4, j’ai passé 2 jours avec un moine, frère Daniel qui accessoirement possède un bon coup de fourchette et lui ai demandé ce que mangeait Jésus. Il mangeait peu de choses m’a t il dit, en petite quantité et souvent , des céréales crues, de l’avoine, des sauterelles, un peu de lait , rarement de la viande, il devait être sec comme un clou.

spécial pub technikart

Quand on a une agence de Pub spécialisée en bouffe, on apprécie la bonne chère je suppose ?
Pas tant que ça, je déteste les gens qui aiment la bouffe. Le mec à détester pour moi c’est Philippe Noiret, l’embonpoint, le costume en velours, le côté satisfait…C’est comme les chefs j’ai beaucoup de mal avec eux, je les trouve souvent aussi abrutis que les footballers, à l’exception de Thierry Marx qui a un vrai discours sociologique mais le côté goutte moi çà tu m’en diras des nouvelles me fait chier, quand j’entends çà j’ai envie de lui écraser son truc dans la gueule. La bouffe ce n’est pas fait pour se faire du bien, on ne peut pas être satisfait de la bouffe. Aujourd’hui les chefs sont très politiquement correct et ils nous font chier.

Il y a tout de même quelques goinfres qui touchent grâce à vos yeux ?
Oui Depardieu est un de ces bouffeurs impénitents, un ogre. Quand il renifle les poulets on a l’impression qu’il va les rentrer dans ses narines, Chirac aussi c’était un bouffeur incessant, il ne mangeait pas par plaisir, il mangeait le monde , Jean François Bizot aussi était comme ça, il bouffait tout ce qui traine. S’il entendait parler d’un truc rare à bouffer il fallait qu’il l’ingurgite. Ces trois là ont en commun de manger le monde, en mangeant tout ce qui les entoure.

N’étant pas à proprement parler rabelaisien, pourquoi cette passion pour la Pub de bouffe ?
Quand j’ai quitté Leg en 2012, j’ai eu une intuition de faire une agence dédiée à çà parce qu’il me semblait qu’il se passait un truc dans la représentation de la bouffe. Je me suis dit c’est marrant cette façon de montrer de la viande qui saigne, le pain qu’on émiette spectaculairement etc… , Je me suis dit il y a un retour de la bouffe populaire et quand j’étais à la Young, j’avais toujours eu le sentiment que la vraie pub c’était la pub de bouffe, ce qu’on faisait sur Danone, Ricard, des slogans qu’on chante dans la cour de récré pour BN, pour Danette etc..

Vous avez voulu revenir à tout le monde se lève pour Danette…
Oui, on ne trompe pas les gens en montrant un hachis Parmentier retouché. Il y a quelque chose de vrai dans la bouffe, on ne peut plus dire aujourd’hui vous n’aviez jamais mangé un Camembert avant etc…Les gens savent, c’est une promesse intenable. Intermarché c’est aberrant tu regardes la télé tu as l’impression d’être à la messe, c’est plein de bons sentiments, on a envie de revenir à quelque chose de transgressif pas une bluette impossible avec une caissière ou un mec qui ressuscite sa femme avec une sauce tomate. La bouffe reste du réel, du vrai malgré tout le virtuel de notre époque. La bouffe, la bagnole et la lessive ont bâti la pub dans sa forme populaire. La bagnole, on ne la voit presque plus avec des marques devenues internationales, la pub de bouffe a été confisquée par les distributeurs et aujourd’hui les marques nationales morflent grave. Si on ne peut plus acheter des marques nationales, des usines vont fermer, c’est un problème douloureux.

Bon vous ne semblez pas apprécier la jolie caissière d’Intermarché ?
On n’en verra jamais une comme çà dans la réalité. Mac do est plus honnête, ils disent pas on fait du produit sain, ils disent c’est pas très cher, on te dit pas la vie est magnifique, pas une sur promesse, ils ne prétendent pas que c’est un repas équilibré. Ce qui est arrivé de mieux dans la distribution, c’est Picard. Grâce à Picard on a des haricots verts, des brocolis… car le problème n°1 c’est l’obésité, le surpoids, directement lié à la pauvreté. On avait posé la question dans Jésus 3, « la bouffe est elle de droite » ? La malbouffe est l’apanage de la pauvreté, les endroits d’obésité sont des endroits de chômage. C’est une question de pouvoir d’achat, on vit une époque où le kilo de frite est moins cher que le kilo de pomme de terre, la malbouffe revient moins cher que les haricots verts. Ceux qui ont un jardin s’en tirent haut la main.

Heureusement, il y a plus drôle dans Jésus Magazine, il y a les anglaises nues dans la sauce et les adeptes du Splosh…
Oui plusieurs personnes m’ont parlé du « Splosh » en même temps. C’est intéressant de voir à quel point les anglais sont branchés sur le barbouillage « wet and messy », un truc régressif, pas porno mais vraiment de l’ordre scato régressif. Je me roule dans la boue et je m’asperge de bouffe, de Jelly, de pudding, çà en dit long sur les gastronomies du nord. On imagine pas un italien se rouler dans la boue ou le porridge, ce serait incongru aussi pour les japonais. L’inconscient des Français lui s’exprime souvent chez les anglais qui défient le monde civilisé, le sploshing c’est vraiment s’en foutre complètement..

spécial pub technikart

Bon et maintenant je vais jeter un froid. Il y a un truc moins érotique pour les publicitaires que disons le cake sitting (ndlr :le fait de s’asseoir sur de gros gâteau au chocolat.), c’est la data…
C’est la question fondamentale qui nous déstabilise tous. Si j’étais annonceur et qu’on me disait, passe pas par une agence de pub tu peux toucher les gens plus directement et efficacement, çà m’intéresserait. Sauf qu’aujourd’hui on se rend compte qu’on est un peu volé sur la marchandise. Quand Facebook a prétendu qu’un annonceur en postant un message pouvait être lu par leur million de fan et que finalement c’est seulement 7% de çà, personne n’a hurlé en disant rendez l’argent. Le client continue à penser que c’est plus économique d’investir sur Facebook.

Heureusement que les grandes messes de TF1 continuent à exister ?
Oui au moins là je sais qu’il y a 17 millions de gens qui regardent le prime time. Il y a une performance prouvée des médias classiques que n’arrivent pas encore à nous garantir les champions de la data. Mais il y a plus grave et en lien avec la data, c’est le fait que ce métier est occupé par des gens qui n’aiment pas la publicité. La data rassure une catégorie de gens qui ont envahi les annonceurs, ce sont les petits comptables qui sont enfin épanouis parce que la data ressemble à ce qu’ils sont habitués à manier, ils n’aiment pas les idées, n’y connaissent rien, et les datas les rassurent.

Balançons un autre pavé dans la mare, Instagram par exemple ?
Le manque de maitrise sur Instagram est intéressant comme les premières pubs à la TV, un peu bâclées mais d’une vitalité et d’une fraicheur intéressante. De même, qu’aujourd’hui le lieu de l’inventivité c’est plus la série que le cinéma avec une consommation plus rapide, ce qui peut sauver la pub classique c’est que
la qualité rejoigne la réactivité. Mais,il y a une imposture qui a déteint sur la pub, l’idée qu’on puisse faire vite et pas cher. On peut faire vite mais le pas cher n’existe pas. Instagram est à la recherche de son Wes Anderson, de son Stanley Kubrick, une image moins bâclée. En fait Instagram, on s’en fout un peu, ce qui compte c’est ce qu’il y a dedans, le support ne peut pas prendre le dessus sur l’idée et s’il n’y a plus d’idée la culture populaire s’appauvrit.

Propos recueillis par Ronan Chastellier


Gilles fichteberg technikart

Gilles Fichteberg

Directeur de la création chez ROSAPARK

Interview Boules, Lions et plus…

Les créatifs de la place se penchent sur leurs oeuvres. Entre paires de chaussettes, lubrifiant pour l’amour et virée chez Disney, quelques belles remarques métaphysiques.

Avec la paire de trois chaussettes pour Monoprix, vous touchez vraiment à l’universel, c’est une de ces malédictions, perdre une chaussette, qui concerne tout le monde…
Oui tout le monde un jour se retrouve avec une paire de chaussette désassortie. Çà traverse les frontières et les âges. On a donc inventé pour Monoprix
la paire de trois chaussettes comme çà l’humanité est super contente, dixit la pub.

La paire de chaussette manquante …

 

Avec Skoda vous prétendez presque philosophiquement qu’on est tous passé à un moment par une phase de mocheté ?
Il ne fallait pas chercher à fuir la réalité sur Skoda. L’amalgame a été
fait avec des marques automobiles d’Europe de l’Est et tout le monde avait dans la tête cette petite musique d’une voiture pas de super qualité. Une fois qu’on s’est dit qu’on a tous été moche un jour, on peut passer à autre chose. Cette campagne a touché les gens.

«Une fois qu’on s’est dit qu’on a tous été moche un jour, on peut passer à autre chose»

pub kiloutou

kiloutou, c’est une blague de potache ?
Une affiche dédiée à l’orgueil du bricoleur ?
On a fait semblant de ne s’adresser qu’aux pros du bricolage dans un langage seulement compris par eux. C’est l’inverse du communautarisme. Normalement, les communautés ne discutent qu’entre elles, là on a parlé à tout le monde en faisant semblant de ne s’adresser qu’aux pros du bricolage, avec leurs codes.


thierry Ardisson Technikart

 

Thierry Ardisson

Créatif & Producteur

Les people « média, art, gloire et beauté » réagissent à des publicités bien senties

 

C’est quoi votre regard sur la pub aujourd’hui ?
Je crois que la créativité en publicité a atteint son sommet dans les années 70 et n’a fait que s’évaporer depuis, sans doute parce que comme dans la presse, l’argent a quitté le navire. Je ne vois que très peu de bonnes de publicités aujourd’hui qui sont noyées dans un flot de médiocrité. Je vois donc les plateformes comme Instagram d’un bon œil en terme de créativité car elles ouvrent de nouvelles voies et je l’espère un renouveau de la pub.

Les fameuses «datas» çàvous gonfle ou pas ?
C’est efficace et Orwellien c’est vrai. Il suffit d’acheter un sèche-cheveux pour recevoir dans la journée 14 pubs Head and Shoulders. La data c’est comme un drone, beaucoup plus ciblé et beaucoup plus efficace en terme de bombardement.

Quelqu’un a évoqué le manque de culture générale des créatifs aujourd’hui ?
C’est sûr que la culture générale est importante voire nécessaire en création, en particulier la culture cinématographique. Qu’il s’agisse de faire un spot drôle ou un peu con ou plus raffiné, la culture
est toujours un outil précieux.

Vous êtes un des pionniers du format court en publicité(8 secondes), ça fait quoi d’être avant-gardiste ?
Nous avions avec l’agence Business tablé sur le créneau des spots de 8 secondes qui étaient un peu délaissés par les créatifs, en fondant notre approche sur des slogans bien pensés, par exemple «Lapeyre y’en a pas deux» ou «c’est trop, c’est Tropico». Le slogan qui était très à la mode dans les 80’s est aujourd’hui beaucoup plus désuet, ce que je déplore.

La marque Skyn propose une nouvelle manière de voir le romantisme en offrant du lubrifiant plutôt que des roses..
Je pense que la publicité est le meilleur baromètre d’une époque et qu’elle se doit d’être juste. Dans un monde où l’on ne flirte plus et où l’on se rencontre sur Tinder, peut-être que le lubrifiant c’est de l’amour…

Melchior


Portfolio photo

des 50 ans du Club des DA

le club des daCette année, le Club des Directeurs Artistiques fête ses 50 ans, une belle occasion pour sa nouvelle présidente Marie- Catherine Dupuy, de célébrer la créativité à travers la photographie publicitaire, ses talents, ses images iconiques, et de questionner les tendances et évolutions de la production photographique.

Présentée lors de la semaine professionnelle des Rencontres d’Arles du 1er au 7 juillet 2019, l’exposition La Photo dans la Pub rassemblera les plus grands noms de la photographie publicitaire, qui se trouvent être aussi ceux de la Photographie en tant qu’art tout court : Richard Avedon, Jean- Baptiste Mondino, Gilles Bensimon, Jean-Paul Goude, Jean-François Jonvelle, Harry Guyaert, William Klein, Peter Lindbergh, Paolo Roversi, Nick Knight, Oliviero Toscani, les Guzman, Jean Larivière, Vincent Dixon, Mario Sorrenti, Rankin, Mark Seliger, Bruce Davidson… pour n’en citer qu’une partie, et présentera autant d’images « madeleines » qui font ressurgir des souvenirs marquants de notre vie sociale, des fantasmes collectifs, des chocs esthétiques d’un autre ordre, composés d’une marque et de son rêve. Un panorama étourdissant de créativité qui se fait fi du tabou de la commande et n’a qu’une chose à prouver : l’excellence créative dans la collaboration d’un photographe et d’un directeur artistique.

Comment un regard photographique infuse-t-ilun projet de commande ? De quelle manière se nourrissent-ils l’un l’autre ? Comment le style d’un photographe participe-t-il à la création de l’image d’une marque, voire incarne-t-il la marque ? Comment l’image publicitaire s’élève-t-elle jusqu’au beau ? En a-t-elle le droit ? Est-ce un art ? Comment compose-t-elle le parfait mariage de l’idée et de la photographie ? Quel est son instant décisif ? Autant de questions auxquelles l’exposition La Photo dans la Pub vous proposera de réfléchir.

On connait l’importance des réseaux sociaux et notamment d’Instagram dans la diffusion des pratiques artistiques et surtout de la photographie. Ils détrônent aujourd’hui largement les grands media traditionnels que sont la presse et l’affichage. La photographie publicitaire y est délaissée au profit des images animées et du « snack-content », images pauvres destinées à être consommées en 3 secondes, les photographes au profit des influenceurs, qui raflent les commandes parce que dotés d’une large audience. Il n‘y a plus rien d’artistique. A l’inverse, on reconnaît aussi le formidable espace « d’exposition continuel » que représente aujourd’hui Instagram pour les marques et les créateurs, qui devient aussi un média – galerie digitale et pourrait trouver son incarnation dans l’évenementiel et l’édition.

Le marché de la commande photographique a été atomisé. Mais face à la masse d’images présentes dans notre société, la multiplicité des utilisations, les moyens techniques « à volonté » pour pouvoir créer des images, s’approprier la réalité, la travestir à son goût, émerge un besoin de véracité, d’émotion et d’authenticité. Pour autant, tout photographe improvisé n’a pas forcément le talent ni les qualités professionnelles ou humaines nécessaires pour s’instituer « vecteur de telles valeurs ». La différence est vite visible et c’est tout l’art du directeur artistique que de savoir s’orienter vers l’excellence créative avec un photographe de talent.

L’artiste devient pour la marque sa caution, par sa sensibilité, son image du monde et son réseau. La culture est le nouveau media des marques et une renaissance s’opère à travers des commandes de niche : cartes blanches, éditions artistiques, expositions, et un retour à l’argentique et au papier comme preuve ultime que nous sommes sensibles et chics.

Depuis 2014, Le Club affirme sa volonté d’inspirer et de promouvoir à travers « La Galerie du Club », qui met en lumière les talents de la photographie et crée des synergies entre la publicité et la culture. La Galerie du Club lancera ainsi aux Rencontres d’Arles la 5e édition de son Concours « Jeunes Talents » destinés aux moins de 30 ans, et lancera la 1ere édition de son Grand Prix Talent Photographe de l’année, qui distinguera un photographe confirmé pour l’innovation esthétique et conceptuelle de son travail personnel, et en tant que partenaire d’inspiration et de création des directeurs artistiques.

 

Séverine Morel
Responsable du pôle Image (Photographie – Illustration) pour Le Club des Directeurs Artistiques Acheteuse d’art senior HavasParis & Curatrice Havas Gallery

Marie-Catherine Dupuy
Présidente du Club des Directeurs Artistiques

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Portfolio spécial pub technikart

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