Covid-19 à Cuba : la revanche de Castro ?

Cuba corona virus covid 19

NOTRE AGENT À LA HAVANE

Notre photographe tout terrain Gilles Petipas nous écrit depuis la capitale de Cuba, où l’épidémie est vécue via le prisme du socialisme tropical. Pour un pays soumis à 60 ans d’embargo américain, le coronavirus n’est qu’une péripétie de plus. Avec Fidel qui plane, toujours, tel un gri-gri protecteur…

Cuba corona virus covid 19


Vendredi 20 Mars : Je débarque de l’avion en provenance de Madrid, vol sans encombre. Nous sommes 23 passagers pour 350 sièges, IBERIA ne le dit pas mais c est son dernier vol avant fermeture de la ligne vers CUBA.
A l’aéroport José Marti (père de la révolution cubaine contre les espagnols) nous sommes pris sous le feu des caméras thermiques. interviewés en quête de symptômes. Mais une fois remplie la fiche de renseignement a nous la Liberté!!!
En ce mois de mars 2020, Cuba a choisi de ne pas fermer ses frontières et se permet 2 choses : accueillir un cruise ship anglais qui a été refusé par chaque Ile des Caraïbes et organiser un pont sanitaire avec la Grande Bretagne, c’est un peu la solidarité de ceux qui ont connu le blocus continental. Les images des passagers qui débarquent avec des pancarte « CUBA te quiero » feront le tour du monde.
Deuxième axe de communication du président Diaz Canel (remplaçant de Raul Castro) : envoyer des missions médicales dans la caraibe ‘chose courante a chaque tremblement de terre ou catastrophe) mais aussi en Italie et en Espagne! Cette diplomatie positive en temps de Covid est un moyen de faire éclater aux yeux du monde les bon côtés de l’héritage du système mis en place par Fidel Castro ( décédé en 2016).
Voici le panorama que donne Cuba en cette fin de mois de Mars, une île pauvre, rationnée, cloitrée par 60 ans d’embargo US mais une île dont la générosité et l’accueil sont une marque de fabrique.


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Vendredi 3 Avril :
Apres 15 jours de répit, le confinement nous rattrape. Et comme dans un roman de Garcia Marquez, l’épidémie fait planer son voile asphyxiant sur la perle des Caraïbes. Les autorités la joue cash : le danger vient des touristes ! Donc les 9500 étrangers présents sur l’ile devront être confinés dans les hôtels dans leur chambre, plus de piscine ni de concert sous les palmiers. Pour Julio César et ses amis de San Leopoldo qui refont le monde nuit pares nuit sur la terrasses de son immeuble qui date de 1934, le Covid est un avatar de plus du blocus Américain, ils n’ont pas peur du syndrome respiratoire mais plutôt de l’asphyxie économique de l’île dont le tourisme est la ressource majeure.
Au jour le jour, les mauvais cotés d’un état policier prennent des allures de résolutions salvatrice : le port du masque est obligatoire pour tous ceux qui sortent, les bus qui sillonnent l’ile sont au parking, les militaires prennent le contrôle des entrées de boulangeries ou d’épiceries afin de former des files Covid compatibles, les enfants sont confinés a la maison avec une amende de 60 CUC ( 1 CUC = 1 €) dans un pays ou le salaire moyen est de 30 CUC. Les discussions sur la terrasse sont animées, certains accusent Trump d’avoir fomenté le Virus, d’autres y voient un moyen de raffermir le contrôle de la population par le PCC ( parti communiste cubain)
Cependant, aucun de mes amis cubain ne prend a la légère la maladie, chaque appart’ dispose d’une bouteille plastique remplie de solution chlorée et une serpillère chlorée a l’entrée. Comme chez Garcia Marquez, la mort rôde mais l’intelligence collective dicte des gestes barrières aux Havanais.


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Vendredi 10 avril :
Pour ma part, après une douzaine de voyages sur l’île crocodile, le plus hallucinant est de ne plus voir les ribambelles d’enfants dans les rues en train de faire de la gym devant leur école. De se balader dans une vieille Havane vide de touristes et de musiciens ! En mon for intérieur, je pense a Castro forgeant le destin de cette île de 11 millions d’habitants en tenant tête a JFK, en repoussant les attaques de La CIA a la Baie des Cochons, ou en faisant du sport et de la culture les armes d’une diplomatie parallèle : tout le monde connaît Cuba grâce a ses athlètes et sa musique.
Mais le Leader Maximo est parti laissant dans son sillage un île exsangue, endettée et peu préparée aux défis de la mondialisation. Dans ces jours inquiétants, on assiste aux gesticulations compulsive d’un Trump, qui souhaite attaquer Nicolas Maduro (président du Venezuela et principal soutien de l’île depuis la chute du mur) et l’on se rend compte que l’antidote a toute cette période a peut-être a puiser dans l’esprit cubain d’entraide et dans la gestion du temps long (lire, écouter de la musique, penser l’après) mais au fond savoir que tous les étendards de la société de consommation sont tombés pas de dernier Iphone avec queue pendant 72 heures sur le trottoir de la 5 ème avenue, pas d’Airbus A 380 bourrés de touristes vers DUBAI, et peut-être la fin de cette course à l’échalote permanente dictée par le FMI : croissance ou disparition.
Qui mieux que les Cubains qui galèrent pour se nourrir et se vêtir, roulent dans des bagnoles rafistolées des années 50 mais restent empreints d’une joie de vivre, pourront traverser cette crise mondiale. Vu de l’ile du Che Guevara tout cela n’est qu’une péripétie de plus dans un scénario ou le capitalisme a perdu le contrôle de nos vie.


Par Gilles Petipas