CLÉMENT GROBOTEK : « UN HOMME VIRIL, C’EST UN BONHOMME QUI N’A PAS PEUR D’ASSUMER SA PART DE FÉMINITÉ. »

clement grobotek

It-boy de la post-masculinité, Clément Grobotek, 29 ans (et une centaine de tatouages qu’il porte fièrement), est passé nous voir pour partager avec nous les secrets d’une virilité débarrassée de toute toxicité. Masterclass, en Louboutin, baby.

Tu es mannequin, égérie des soirées les plus wild de Paris et tatoueur à la Maison Python. Depuis quand exerces-tu ce métier-là ? 
Clément Grobotek : Depuis cinq ans. En sortant de l’armée – où j’avais commencé à me tatouer et à tatouer des potes –, je me suis installé à Paris. J’ai croisé un professionnel qui ouvrait un shop. Il m’a proposé de venir bosser avec lui, et c’est à partir de là que j’ai commencé à Maison Python, où il m’a formé pour devenir tatoueur. 

Tu as suivi une formation pour ça ?
Aucune ! Si ce n’est une formation pour l’hygiène. Je dessine depuis que je suis tout petit, mais je ne suis pas passé par les Beaux-Arts, etc.

Tu incarnes une virilité queer et contemporaine. Penses-tu que celle-ci est en train de se réinventer ?
Certains codes changent peut-être, mais je pense qu’au fond, elle reste la même, avec les mêmes clichés autour de la masculinité. Ce qui est important, ce sont les personnes qui la réinterprètent. J’ai eu la chance de croiser des femmes qui avaient, pour ainsi dire, plus de couilles que tous les hommes que j’ai rencontrés dans ma vie, ça a un peu changé la vision que j’avais de la masculinité.

On rappelle pour nos lecteurs que vous êtes BFF avec une certaine Béatrice Dalle.
Ah, ah, mais il n’y a pas qu’elle ! J’ai vu des femmes mannequins, minces comme des brindilles, habillées en robe, qui se comportaient de manière particulièrement virile. Leur façon de faire nous pousse à nous demander ce qu’est réellement la virilité, est-elle uniquement réservée aux hommes ? Quant au fait d’être gay, il y a toujours quelque chose de très misogyne dans la façon dont est perçue l’homosexualité dans notre société. Et donc on doit se recréer une masculinité, se la réapproprier en se jouant des codes.

Comment s’est déroulé ton passage dans l’armée ?
Quand je suis entré à l’armée, au 8ème Régiment des Parachutistes à Castres, à 18 ans, j’ai découvert un milieu où l’on met en avant toute sa masculinité. À partir de ce moment-là, j’ai dû me plier à ces codes pour m’y intégrer, en faisant croire que j’étais hétérosexuel. C’était presque un dédoublement de la personnalité.  Dès que j’enfilais mes Rangers, je changeais ma démarche, mon langage, l’humour même, tout mon comportement. Quand j’ai quitté l’armée, je me suis retrouvé à me demander qui j’étais vraiment.
 

« LES CORPS MUSCLÉS SONT ADMIRÉS ET CONVOITÉS. »

 

Et comment as-tu commencé avec la muscu’ ?
Dans la rue, je m’étais déjà fait agresser plusieurs fois, donc j’ai voulu avoir un air plus viril, qu’on m’emmerde moins. Être musclé, ça vous donne un air plus dur – et ce sont aussi les coprs les plus admirés et convoités. Idem pour les tatouages sur le visage. Ça a vraiment été une étape où j’ai vu le regard des gens changer. Et étrangement, ça m’a aidé à porter des vêtements plus féminins, et qu’on me le passe. Avoir des signes de masculinité m’a autorisé à avoir plus de féminité ailleurs, comme s’il y avait un équilibre à trouver pour se faire accepter.

Tu as vu le spectacle Viril, joué par votre amie Béatrice Dalle avec la poétesse Casey et Virginie Despentes, j’imagine. 
Oui, ça m’a mis les larmes aux yeux, il est criant de vérité et surtout, ça parle à tout le monde. Quand je dis « tout le monde », je sous-entends que cela parle beaucoup à la gent masculine aussi. Les femmes souffrent du patriarcat et de la masculinité autoritaire et exacerbée, mais les hommes aussi. Toutes les injonctions comme « un homme ne pleure pas », « un homme ne peut pas parler de ses sentiments », ça nous enferme et ça fait des hommes malheureux. Je le vois avec mon père qui ne s’est jamais permis la moindre sensibilité. Aujourd’hui, les choses changent, on s’approprie la masculinité comme on le veut… Il était temps !

Tu as publié un premier récit, Moi j’embrasse, il y a deux ans.
C’était avant tout un témoignage. Depuis, j’ai écrit un roman, plus personnel, l’écriture y est plus travaillée. Je parle du deuil sous forme de fiction, le fait de perdre sa mère très tôt et d‘être en quête de cet amour maternel perdu dans toutes ses relations. Je parle notamment de ma relation avec Béatrice, parce que quand je l’ai rencontrée, ça a été quelque chose de dingue. C’est comme si je rencontrais la liberté même ! J’avais beaucoup de mal à me comprendre, j’étais plein de doutes et elle m’a surtout appris que je méritais d’être aimé, que j’en valais la peine. Même sur la masculinité, c’est elle qui m’a appris à exprimer ma sensibilité. Elle disait que c’est ce qui nous rend bien plus fort que l’insensibilité, à juste titre !

Et ton prochain tatouage, ce sera quoi ?
En fait, je suis en train de recouvrir mon dos de tatouages. J’ai déjà commencé, mais le projet serait de le recouvrir de poèmes que j’aime et qui ont marqué ma vie jusqu’ ici, j’ai déjà plusieurs strophes de Baudelaire. J’aimerais aussi une Jeanne D’Arc. J’aime l’histoire de cette femme en armure, tellement puissante pour cette époque.

Le mot de la fin ?
Un homme viril, c’est un bonhomme qui n’a pas peur d’assumer sa part de féminité.

Maison Python, 28 rue de la Chapelle, 75018

Photo :
Corset collection Haute Couture Olivier Rousteing for Jean Paul Gaultier


Entretien Anna Autin & Laurence Rémila
Photos Davide Carson

 

Clément Grobotek Technikart
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