HOSHI, ICÔNE POP : « PLUS INTIME, PLUS ENGAGÉE ! »

hoshi technikart

Avec la sortie de la version augmentée de son album Sommeil Levant, Hoshi, 25 ans, poursuit sa trajectoire : construire une Œuvre à la fois intime et mettant en lumière les causes chères à son coeur. Rencontre avec une love activiste de première, pour qui la révolution se fera à grands coups d’amour… Et si on l’écoutait ?

Milieu des années 2010, quelque part dans le 78. Depuis sa chambre de Saint Quentin (banlieue sans histoire née sous De Gaulle), une jeune ado, Mathilde, gratte le papier avant d’aller chanter dans la rue. Avec quelques titres enregistrés sur un dictaphone, y compris son futur tube « Ta Marinière », elle se retrouve, en quelques années, sur la scène des festivals et les playlists de NRJ. Victime d’insultes homophobes à la suite de son passage aux Victoires de la Musique en 2020, elle devient, comme elle le dit, « icône malgré moi », quand d’autres n’obtiennent que le statut de Lolita. 
Un album plus tard, et un Fabien Lecoeuvre en trop, Hoshi s’impose dans la nouvelle scène pop française, avec une musique aux textes intimes, parfois politiques, qu’elle écrit dans le petit studio de son appartement avec jardin de Montmartre. 
Arrivée chez Technikart une après-midi d’avril avec son équipe, – qui ressemble plutôt à une grande famille dissipée –, et portant le costume violet de sa pochette d’album, Hoshi s’installe. La queen de la chanson française nous partage son énergie à toute épreuve, coiffée de son chignon iconique avec en fond, le feat avec sa grand-mère Babouschka « Mieux avant ». Preuve, s’il en est, qu’on peut faire partie du troisième âge sans penser comme un…

Tu as grandi à Saint-Quentin en Yvelines dans le 78. Ton père était fan des Sex Pistols et de La Souris Déglinguée, quelles valeurs t’a-t-il transmises ?
Hoshi : C’était vraiment un punk. Plus jeune, il portait la crête rose et tout (rires) ! J’ai un je-m’en-foutisme profond que je tiens de lui. À chaque coup dur, je réponds « Fuck ». 

Et ta mère, elle écoutait du punk ? 
Ah non ! Elle, c’était plutôt de la chanson française, du Marc Lavoine, du Véronique Sanson, du France Gall. J’ai donc grandi au milieu de trois univers musicaux : la vieille France de Brel et de Brassens de mes grands-parents, le gros punk paternel et la douceur bien écrite des musiques de ma mère. 

Et toi ? 
J’ai écouté de la vieille chanson française et fouiné dans les vinyles de mes parents pendant dix ans. À côté de ça, j’adorais Diam’s – comme tous les gosses –, et j’allais taper dans des trucs plus vieux comme Nirvana. Le style de musique auquel personne ne m’a initié, c’est l’électro. J’ai découvert un CD de Kraftwerk à 17 ans, et j’ai adoré. Et aujourd’hui, j’écoute beaucoup de rap, de la techno comme Louisahhh, du rock, des artistes plus commerciaux… 

Ce sont tes grands-parents qui t’ont offert ton premier clavier et une vieille guitare. Comment s’est fait ton apprentissage musical ?
Ma mère m’a inscrite à des cours d’éveil musical à cinq ans. C’était frustrant, on n’avait le droit de toucher à aucun instrument ! Un an après, on a trouvé une professeure qui a accepté de m’apprendre le piano à l’oreille. Je faisais un blocage sur le solfège. La guitare est arrivée plus tard, je l’ai apprise seule dans ma chambre.

Et le chant ?
J’avais horreur de chanter, c’était une phobie. Je n’avais pas suffisamment confiance en moi. Mais je n’ai plus eu le choix de le faire quand j’ai commencé à écrire… 

Deux albums remarqués et une réédition plus tard, tu t’apprêtes à fêter tes 25 ans… Ce qui caractérise ta génération, selon toi ?
Il y en a plusieurs en une. Celle qui s’engage, qui veut changer le monde – et qui a commencé à le faire – d’un côté, et de l’autre, les gens un peu paumés. Je suis moi-même entre les deux. Cette génération est difficile à définir, repose-moi la question dans 20 ans, j’aurai peut-être compris…

D’accord, on se donne rendez-vous pour tes 45 ans. Et la génération Z, celle juste après la tienne, tu la perçois comment ?
Là, je me sens un peu dépassée : TikTok, Wejdene, le rap auto-tuné… J’ai pris un coup de vieux ! Mais je ne me sens pas éloignée d’eux dans les pensées ou les envies, j’arrive à les comprendre… Même si à leur âge je jouais aux cartes Pokémon – ce que je fais toujours – ou à chat, au lieu d’être sur les réseaux.

Et tu affichais les posters de qui, toi, sur les murs de ta chambre d’ado ?
Pas de Fabien Lecoeuvre (rires) ! J’avais Green Day, les BB Brunes, un énorme poster de Nirvana… J’avais aussi un autographe de La Fouine, vu qu’il habitait à Trappes, juste à côté de chez moi. 

hoshi technikart
PAS D’PAROLES EN L’AIR_
Le mantra love activiste d’Hoshi ? « À quoi bon être connu si on n’en fait rien de bon ! »


Dans ta chanson « SQY », sur Saint-Quentin en Yvelines, tu dis : « Mon Île-de-France n’a pas d’palmiers, ni d’pistes de danse pleines à craquer »… 
Il ne s’y passe pas grand-chose à Saint-Quentin, les magasins ferment les uns après les autres. Je m’y ennuyais, jusqu’au jour où j’ai trouvé ma bande, après le bac. On passait des nuits blanches dans le parc, on découvrait la ville vide, c’était génial. On était bourrés et libres. Sinon, après deux heures du matin à SQY, si tu n’as pas d’amis et pas prévu de quoi boire, tu es dans la merde (rires) !

Au lycée, tu postes des drapeaux LGBT sur ton Skyblog sans encore avoir pris conscience de ta sexualité.
À l’époque, j’étais engagée sans trop savoir pourquoi. Je me révoltais en silence, j’étais très discrète. J’allais peu au lycée et quand j’y allais, les profs ne me voyaient pas. Ils ont déjà appelé mes parents pensant que je séchais alors que j’étais là… (Rires.) C’est la scène qui m’a ouverte à la vie ! 

À la suite d’un post sur lequel tu embrasses une amie, tu te fais agresser. 
Je me suis faite agresser une première fois par une fille au collège. Je n’étais pas encore OK avec moi-même, alors je n’ai pas donné les raisons de l’agression à mes proches. Deux ans après, une autre fille m’agresse et me laisse inconsciente sur le sol. À ce moment, je me suis dit qu’il fallait que ça s’arrête, qu’il n’y aurait pas de troisième fois. Je me suis entraînée à me battre, je suis même sortie avec un canif dans la poche pendant quatre ans. J’avais peur, mais j’étais révoltée. 

Après ton bac, que fais-tu ?
Je passe le casting pour une école de musique qui coûte des milliers d’euros – qu’on n’avait pas –, pour faire plaisir à ma mère. Finalement, je dis à mes parents que je ne veux pas faire d’école. J’ai tout arrêté pour jouer dans la rue et je vendais des sushis le week-end ! 

Qu’est-ce-que la rue t’a apportée ?
Tout. Le public, je ne l’avais pas et je devais le prendre. Je n’avais pas de micro, pas de matériel, il fallait chanter fort, donner envie aux gens de s’arrêter. Il suffit d’y croire.

À 21 ans, tu sors ton premier album, Comment je vais faire, sur le label Jo&Co (Claudio Capéo, les Frangines, le Motif). Comment te retrouves-tu sur ce label indé ?
Ils ont été les seuls à avoir répondu à une de mes centaines de bouteilles à la mer ! Depuis, j’ai eu plein de propositions, mais je suis restée avec ceux qui m’ont fait confiance dès le départ. 

Peut-on qualifier ton second album, Sommeil Levant (2020), de plus activiste que le premier ?  
Sommeil Levant est beaucoup plus intime que le premier tout en étant plus engagé. Je parle de moi, de la ville d’où je viens, de mon orientation, avec « Amour Censure ». Le premier, c’était plus un « Salut, j’existe ! ». 

Tu te fais remarquer dès 2017 avec « Ta Marinière ». Comment as-tu vécu cette reconnaissance et cette médiatisation soudaines ?
Cette année-là, je suis partie en festival tout l’été. J’ai senti qu’au fur et à mesure, les gens connaissaient de plus en plus les paroles. Quand je suis rentrée à Paris, d’un coup on m’a reconnue. Ça a été dur au début, comme je suis assez réservée. J’ai pris l’habitude, et c’est un plaisir maintenant. Mais je ne sors jamais seule, ça doit être une des séquelles de mes agressions. 

Dans « Manège à trois » (2017), tu mets en scène un couple hétéro. Pourquoi ?
Je n’ai jamais voulu parler de mon orientation sexuelle au départ. Paris Match m’a outé en 2018 et je n’ai pas eu d’autre choix que d’en parler. Je ramenais les pronoms au masculin pour rassurer les gens. Je n’avais pas encore conscience que je pouvais allier les deux dans ma musique.

Dans ta chanson « Fais-moi signe », tu parles de ton handicap auditif : « Si j’ai les images, j’ai plus le son. Fais-moi signe, sois les sous-titres de ma prison ». Comment cela influence-t-il ta musique ? 
C’est présent à chaque minute. Sur scène, j’ai des vertiges. Quand je fais une télé, il ne peut pas y avoir de lumières qui bougent, ça me déclencherait une crise de Menière (vertiges accompagnés d’une perte de l’audition, d’acouphènes et de nausées, ndlr). C’est une bataille quotidienne surtout pour entendre. Je ne peux pas valider les mix seule. Si vous entendiez ce que j’entends moi, l’album serait mauvais (rires.) Mais, je m’adapte.

Tu parles souvent d’alcool dans tes chansons : « Paumée dans les bouchons de liège / Goutte après goutte, je m’abrège », (« Femme à la mer »)…
Quand je me pose dans mon studio, j’aime avoir du vin rouge ou de la bière. J’associe l’alcool aux périodes de blues ou d’écriture. Avant, je l’associais aussi au fait de sortir et d’aller danser mais… ce n’est plus d’actualité.

« AVEC MA GÉNÉRATION, IL Y A LES ENGAGÉ(E)S, ET LES AUTRES, UN PEU PAUMÉ(E)S. JE SUIS ENTRE LES DEUX… » 

 

Tu gardais ta vie intime et tes opinions privées avant l’article de Paris Match. Cette exposition involontaire a-t-elle été le déclencheur de ton engagement public ? 
Tout le monde me parle d’engagement depuis, et oui je suis engagée, je reverse mon merchandising à des refuges ou à des associations. Mais depuis « Amour censure », il n’y a pas une fois où un média m’a appelé pour juste me parler de ma musique. Je suis obligée de me livrer plus qu’avant. Mais je le fais avec plaisir.

Et comment est né « Amour Censure » (2020) ? 
J’étais à Cabourg pour écrire avec un ami compositeur, et homosexuel lui aussi (@markweld_music, ndlr), avec qui on parle beaucoup. Depuis mes agressions, je fais des crises d’angoisses. J’en ai fait une cette nuit-là et je me suis dit « Ok, il faut que j’en parle ». J’avais déjà un album de prêt. On a écrit la chanson et j’ai appelé mon équipe et leur ai dit « On va aller à la manif et on va faire une vidéo. » C’est devenu le single de l’album, mais il n’y avait pas de préméditation ou de marketing. J’ai simplement voulu faire la musique que j’aurais aimé entendre gosse. 

Aux Victoires de la Musique 2020, tu chantes « Amour Censure » et embrasses une de tes danseuses. S’ensuit une foule d’insultes sur les réseaux…
Je ne pensais pas que ça prendrait une telle ampleur. Ça m’a complètement dépassée. Ce soir-là, je me suis réellement engagée. En clippant « Amour Censure » à la Manif Pour Tous, on a voulu libérer le message inverse. Il faut vraiment que cette manif arrête d’exister… Ça fait presque dix ans maintenant, la première était en novembre 2012. J’étais en train de découvrir mon identité et il y avait des gens, dans la rue, qui manifestaient pour que je ne puisse jamais me marier. Ça a traumatisé pas mal de jeunes à cette époque. 

Tu communiques sur les plaintes pour harcèlement que tu as déposées…
Je n’ai pas envie d’être connue pour rien. L’homophobie existe tous les jours, la différence entre moi et les autres, c’est que je suis médiatisée. Si je peux aider des jeunes à trouver le courage de porter plainte, je le fais avec plaisir.

Aujourd’hui, les réseaux sociaux rendent le non-engagement presque impensable. 
C’est parfois fatiguant, même si c’est super d’être un exemple d’engagement. Parfois, j’ai juste envie de faire de la musique et que les gens écoutent ! Je vais à des manifs avec ma copine sans le mettre sur Instagram. Ce n’est pas parce que l’on ne communique pas, que l’on n’a pas d’avis.

« LE MILITANTISME DOIT PASSER PAR L’AMOUR. » 

 

Tu dis qu’une chanson peut « sauver des vies ». 
Je reçois des messages de jeunes qui ont pu faire leur coming-out grâce à ma chanson. Des jeunes qui ont trouvé la force de parler ou qui se sont fait virer de chez eux et qui ont trouvé du réconfort. La chanson « Amour Censure » a dépassé ma propre personne. Elle est devenue importante dans la vie de beaucoup de gens.

Tu te reconnais dans le « love activism » qui répond par l’amour et le rassemblement aux messages répressifs et haineux ?
Oui ! Mais c’est dur de répondre par de l’amour quand on vous envoie des horreurs. Ça a été dur avec Fabien Lecoeuvre. Le gars dit que je suis effrayante et que je devrais donner mes chansons à une fille plus jolie que moi… Finalement, je me suis dit que ça ne servait à rien de le prendre pour moi. Ce sont des gens pour qui c’est trop tard, on ne peut plus les éduquer.

Des dinosaures ?
Exactement – laissons les dinosaures finir comme ils finiront. Je me suis dit que ça pouvait servir et faire avancer des débats pour les autres, ceux que l’on peut encore éduquer. Le militantisme doit passer par l’amour. Peu de chose passe par la haine. La génération actuelle ne veut plus du racisme dû à nos différences. Oui, il y a une petite partie de la population qui est complètement fasciste, mais la majeure partie veut juste un monde meilleur. Ils ont même envie d’y prendre part, et tant mieux, on a besoin d’alliés. 

La génération Z est déjà beaucoup plus libérée que les millennials sur ces sujets. 
Complètement. Longtemps, il y a eu très peu de musiques ouvertement gay. Dans les séries, s’il y avait un gay, c’était « waouh ». Maintenant sur Netflix, ça s’est vraiment démocratisé et c’est devenu normal. Grâce à cette démocratisation culturelle, les jeunes générations n’en font pas un sujet, ni un problème, et s’en foutent !

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Ô MON CHIGNON _
Hoshi se décrit comme « un Playmobil ». Sa coupe iconique la suit partout. Ses fans, de plus en plus nombreux, aussi.


Est-ce-que les nouvelles icônes des jeunes, ce ne sont pas plutôt des personnalités accessibles auxquelles on peut s’identifier plutôt que des créatures marketées à la « sois belle et tais-toi » ?
 
Il y en a eu des Ken et Barbie, mais ce ne sont pas eux qui ont marqué les esprits. C’est Mick Jagger, Edith Piaf… On s’en tape de l’apparence. L’ancienne génération ne comprend pas tout, mais ils s’adaptent. Ma grand-mère, qui est pourtant plus âgée que Fabien Lecoeuvre, adore que je mette mes grosses chaînes et mes sweats. Elle trouve ça hyper-stylé et elle fait un feat avec moi sur ma réédition (« Mieux avant », ndlr). Il y a juste des cons et il y en aura toujours, il faut faire avec et peut-être ne plus leur donner la parole. 

Tu sors donc « Mieux avant » avec ta grand-mère. Tu te sens plus proche de la génération de tes parents ou de celle du dessus ?
Les valeurs que m’a transmises ma grand-mère, sont celles que l’on cherche aujourd’hui. La bienveillance, la tolérance… Mais la génération punk me parle aussi. Les deux sont libertaires !

La suite ?
Les festivals cet été, qui sont plus ou moins « confirmés », et la réédition ( Sommeil Levant, ndlr) de 13 titres, à défendre tous les jours… jusqu’à ce que je n’ai plus de force ! 

Étoile Flippante, la version augmentée de son dernier album Sommeil Levant, est prévue pour juin.



Entretien par Carla Bernini
Photos Emma Birski