CANARD DÉCHAÎNÉ : LE COUAC DU SIÈCLE

À l’image de toutes les grandes institutions vacillantes, le Canard enchaîné, plus ancien titre satirique de la capitale, subit ces dernières années une vague de crises économiques, rédactionnelles et éditoriales, dont l’affaire Escaro-Nobili n’est que l’inévitable acmé. Le volatile a-t-il encore une chance de s’en tirer ? Enquête.

Un parfum de scandale flotte au troisième étage du 173 rue Saint-Honoré, dans le quartier parisien de la Comédie française. Ce 21 décembre 2023, réunis dans la salle de conférence du Canard enchaîné, les employés du volatile sirotent timidement leur Ruinart. Ils feignent d’ignorer l’étrange danse menée par leur ancien directeur. Michel Gaillard, 80 ans, à la tête du journal de 1992 à septembre 2023, porte bien son nom : paraboots aux pieds et éternel pantalon en velours, il est le prototype pur jus du patron-daron. D’apparence inébranlable, lui seul semble manœuvrer à son aise ce soir. La scène étonne les retardataires : Michel Gaillard s’est installé derrière le bureau en chêne de la direction, pièce historique qui fut le théâtre de l’affaire des micros en 1973, mais qu’il avait choisi de ne pas occuper lorsqu’il était directeur. Les anciens rédacteurs en chef Claude Roire, 85 ans, et Louis-Marie Horeau, 76 ans, passent une tête, il les invite à le rejoindre. On s’embrasse, on s’accolade et le pot de Noël annuel se transforme en amicale des anciens sous les yeux mi-médusés, mi-indifférents des journalistes. Michel Gaillard rassure ses vieux copains : « Mais oui, je suis serein… ».


Par Violaine Epitalon
Photos Jeanne Pieprzownik

 

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