Olivier Delacroix : « Ma femme est ma source d’inspiration ! »

Notre animateur rasta préféré (Dans les yeux d’Olivier sur France 2) vient de sortir Amor, un premier album solo décapant. L’occasion de lui parler chignon et amour – autour d’une bonne binouze.

Salut Olivier. On t’a reconnu de l’autre côté de la terrasse grâce à tes dreadlocks. Alors notre première question sera la suivante : en tant que Caucasien coiffé en rasta, tu ne serais pas un peu coupable d’« appropriation culturelle » ?
Olivier Delacroix : Comment ça ?

C’est le nouveau truc des politiquement corrects aux États-Unis. En gros, tu n’as pas le droit de porter des dreads si t’es blanc ; c’est comme si tu spoliais une autre culture.
C’est la première fois que j’en entends parler. Mais si jamais on m’accusait d’« appropriation culturelle », je serais à même de répondre que ce look m’est venu de façon très naturelle. J’étais frisé, je rêvais d’avoir les cheveux raides. Et ma mère ne supportait pas ma dégaine mal coiffée. Alors un soir, avec ma tante, elles m’ont démêlé les cheveux à deux. Et quinze jours plus tard, ça a commencé à donner ça (il montre ses cheveux)… Depuis, ça pousse ainsi. Peut-être que des gens s’approprient une culture, ce n’est pas mon cas. Si je faisais du reggae, peut-être… (Rires.) Mais le matin, quand je me regarde dans la glace, je ne vois pas les dreads – je vois ma tronche.

Et pour les soins ?
Je les lave comme toi, avec du shampoing. Le seul inconvénient, c’est que la dread stocke l’eau et du coup ça coule pendant au moins 40 minutes avant d’avoir les cheveux secs.

Tes locks t’ont rendu identifiable dès tes premiers documentaires diffusés sur France 4 à partir de 2010.
Alors, de la même manière que pour mes dreads, il n’a jamais été question de me fabriquer un personnage ou d’avoir un objectif marketing avec ce look.

Tu as d’ailleurs, avec ces premiers docus, lancé la mode du doc « incarné » en France.
Quand on a lancé Nouveaux Regards, l’incarnation est venue naturellement : France 4 aimait la proximité que j’avais avec les gens et voulait la voir à l’écran. Mais aujourd’hui, elle est devenue systématique. Les chaînes l’imposent comme une recette magique pour qu’un documentaire marche. C’est une erreur : il y a des journalistes qui n’ont pas envie de ce procédé-là. Ce devrait être un choix vraiment réfléchi : est-ce que la présence du journaliste apporte quelque chose ? Pour mes programmes, l’incarnation a un réel sens. On parle de choses intimes, et si je suis avec les témoins, ils finissent par oublier la présence de la caméra. Bon, on peut parler de l’album ?

Ah oui, pardon.
Parce que les dreads… Ma carrière à la télévision a presque 10 ans, mais on me parle encore de mes cheveux à chaque fois. C’est dingue ! À chaque interview, j’ai droit à une question dessus.

Bon. Pour ton album solo, Amor, tu as fait appel à Dominic Sonic, le premier producteur de ton ancien groupe, Black Maria. T’es en plein trip nostalgie ?
Avec Dominic, j’étais fan de ses disques sortis au début des années 90, on avait déjà travaillé ensemble et en plus de ça, on est devenus voisins dans le quartier des Abbesses. Quand on s’est croisés, je travaillais sur Amor. Même si ça allait être mon huitième album – et que j’avais donc la légitimité de le faire –, je me méfiais quand même de l’éternel cliché de l’animateur de télévision qui sort un album. C’est un grand écart très périlleux. Mais Dominic m’a rassuré là-dessus et on a commencé à bosser. On a fait l’album à la maison.

Et tu n’as pas trouvé de label pour le produire ?
Non, je l’ai financé moi-même. L’album sonne assez épuré.

C’était pour faire des économies ?
Bien sûr que non ! (Rires.) Cet album, comme il est complètement solo, je voulais que la voix soit mise plus en valeur, au service d’un texte plus déterminant. J’ai beaucoup écrit, pendant quatre ans.

Quatre ans ?!
Ben oui. Pour moi, l’écriture, c’est nos traces. Et c’est important de soigner ce qui reste de nous.

Tu écrivais où ?
Pour écrire, il faut que je sois libéré de tout, dans une sorte de communion entre moi et moi. Et du coup, c’est souvent loin de Paris. J’ai la chance de pouvoir aller à Essaouira quand je veux. J’y ai des amis, c’est devenu mon port d’attache. Le Maroc est une terre qui m’a toujours inspiré, au même titre que Bali, où j’ai également beaucoup écrit. Ce sont des endroits qui me mettent en conditions de réflexion, de méditation. Pour écrire des textes qui ont du sens, il faut vraiment se sentir en phase avec soi-même. J’aimerais pouvoir écrire à Paris mais je n’y arrive pas. Trop de tumulte, trop de choses qui me polluent.

L’album parle énormément des femmes.
Oh oui… Il se trouve que ma femme est une grande source d’inspiration. Nous sommes dans un bouillonnement intellectuel et un tourbillon de réflexions qui m’inspirent. Avec ces discussions, je vois combien les femmes sont beaucoup plus matures, plus sophistiquées, plus douées que les hommes.

L’album parle aussi de la lâcheté de l’être humain. Ce sont tes collègues de France Télé qui t’inspirent ?
(Rires.) Non ! Même si c’est vrai que c’est quelque chose que je rencontre pas mal dans mes rapports de tous les jours. Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas très courageux et qui, à un moment donné, vont prendre l’option mensonge. La mauvaise foi peut être drôle mais elle peut être très blessante aussi. J’espère ne pas faire partie de ce club-là, je préfère miser sur l’humain. J’ai choisi très jeune de me construire en allant vers l’autre – en acceptant de me tromper parfois…

Amor (Believe)

En concert à la Boule Noire le 19 juin, billetterie ici

ENTRETIEN LÉONTINE BOB

Technikart #212 mai 2017