La La Land ou le retour de la comédie musicale

Le film le plus attendu rafraîchit le genre de la comédie musicale. A vos claquettes ! 

Cette mélodie n’est plus vraiment celle de notre époque. Il n’y a certes jamais rien eu de très naturel à voir des gens se mettre soudainement à danser et à faire des numéros de claquettes en plein milieu de la rue, mais disons qu’il fut un temps où ça faisait partie du paysage, du langage commun. Et puis même Disney a fini par trouver que ça sonnait un peu hors de propos. Depuis très longtemps donc, la comédie musicale n’existe plus que pour satisfaire les lubies kitsch de cinéastes pompiers (Baz Luhrmann), les fixettes rétros de vieux monsieurs rincés (Woody Allen, Christophe Honoré, Lars von Trier) ou pour adapter éventuellement les hits de Broadway. Un monde sous cloche, un genre clivant, un espace « à réserver aux amateurs du genre ». Et puis arrive La La Land, un musical en forme de main tendue vers nous.

Un pianiste un peu lose et une actrice wannabe tombent amoureux au beau milieu de la cité des anges. Bientôt les compromis et les batailles d’ego prendront le pas sur les roucoulades et la vie en technicolor. La musique s’arrêtera-t-elle alors à jamais ? La La Land est un endroit où le décorum chatoyant, l’affranchissement des règles de la pesanteur et les chansonnettes qu’on ne peut pas s’empêcher de pousser ne sont pas la raison d’être du projet ni son programme, mais les seuls moyens de figurer cette toute petite histoire-là, de lui donner son caractère épique et universel. C’est un musical par nature plutôt que par décision, comme quand le genre en valait encore la peine. Chazelle dessine alors un espace mental délimité et façonné seulement par les humeurs de ses amants exaltés. C’est une idée de cinéma purement mélo trempée dans le bain moussant du grand spectacle hollywoodien. Les jambes prennent feu, le cœur chavire, le spectacle est aussi dans la salle. Une mélodie oubliée dont notre époque avait terriblement besoin.

La La Land de Damien Chazelle, en salle actuellement 

FRANÇOIS GRELET

Technikart #208, décembre 2016 / janvier 2017