Faut-il être (très) con pour réussir ?

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Dans son revigorant essai L’imbécillité est une chose sérieuse (PUF), le philosophe italien Maurizio Ferraris montre pourquoi la connerie triomphe. Autant s’en inspirer !

La mèche jaune en plaqué or la plus célèbre du monde a encore frappé. Nul besoin de faire le tour du monde pour assister au spectacle de ce début de XXIe siècle, suffit d’attraper la télécommande d’une main, le sachet de pop-corn de l’autre. À l’ère de la post-vérité, sommes-nous en train de devenir de plus en plus cons ? Surtout, comment penser l’imbécillité sans risquer de s’y perdre ? Dans son nouvel essai, Maurizio Ferraris rappelle qu’« imbécile » est un dérivé d’inbaculum en latin qui signifie « sans bâton ».

En fait, l’imbécile désignerait l’homme sans technique, un homme diminué, naturel. S’appuyant sur Robert Musil, le philosophe italien explique que la connerie d’élite, puissante, celle qui se croit maligne, supplante la connerie des masses : « Si Musil distingue deux types d’imbécillité (…), je suggère que la véritable imbécillité est la seconde, car il est remarquable que les imbéciles se sentent plus malins que les autres. En outre, l’imbécillité est une question de révélation, et, plus elle se manifeste, plus elle a de possibilités de se révéler imbécile. »

L’AMPLEUR DES DÉGÂTS

Aujourd’hui, tout porte à croire que nous vivons dans une parodie de roman SF peuplée de crétins en tous genres. Dans son guide de survie – The Asshole Survival Guide: How to Deal with People Who Treat You Like Dirt –, le prof de management à Stanford Robert Sutton constate que la sphère publique est envahie de connards. Comment ne pas penser à l’indépassable Donald Trump, passé en un an de quasi-gag de reality show à président US infantile qui tweete plus vite que son ombre, le cauchemar de Bret Easton Ellis en mondovision. Comment reconnaître un connard ? Pour Sutton, celui-ci est doté d’une niaque chauffée à blanc, d’une confiance en lui à toute épreuve et, last but not least, est un hâbleur inépuisable…

Pire, il serait contagieux, comme Sutton l’écrit dans son bouquin s’appuyant sur plusieurs études : « Les comportements désagréables se propagent beaucoup plus rapidement que les comportements agréables, malheureusement. » Par un effet d’entraînement, à force de voir des connards à la télé, on finirait par leur ressembler. Autre accélérateur, les réseaux sociaux – mazette, encore eux ! – permettraient à la parole agressive de proliférer via l’anonymat qu’offre le web. Il suffit de zoner un peu sur des pages de commentaires YouTube pour constater l’ampleur des dégâts.

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Mais ne nous y trompons pas : les réseaux sociaux ne nous rendent pas plus cons que nos ancêtres. Simplement, Maurizio Ferraris constate que « plus présente est la technique, plus grande est l’imbécillité perçue ». Grosso modo, les réseaux sont ce que nous en faisons. À force de leur tendre le micro, les cons ont juste fini par crier très fort dedans

JULIEN DOMÈCE