Alors, ça a donné quoi, le Ouest Park ?

Grosse soirée disco au Havre ?

Histoire de quitter l’air de la capitale, je me suis rendu à Le Havre pour la 15ème édition du festival Ouest Park. Au menu : des concerts à foison (Klub des Loosers, Soft Moon, Jane Birkin, MNNQNS, Roméo Elvis, etc.), des burgers, une visite de la ville, du train… et la plus grosse boule à facettes du monde.

Vendredi 21 septembre. Direction Gare Saint-Lazare. Un train « Intercités » m’attend bien au chaud, voie 19. L’expression n’est pas choisie au hasard. Ce vieux train, en mode compartiments old-school, ressemble à un hammam discount mais sans les avantages. Chaleur étouffante, impossibilité d’ouvrir les fenêtres, odeurs en tous genres. La SNCF est au top et une vingtenaire au bord du pétage de plombs finit par lâcher un déjà légendaire « Bordel, mais on voyage comme des animaux ! ». 

Sagement, je me replie. Me voilà debout entre deux wagons. L’air y est bien plus frais et je ne devrais pas trop être gêné par les effluves des toilettes, puisqu’elles sont condamnées. Départ théorique : 15h50. Départ réel : On n’en sait rien. Comme la vie, la SNCF est pleine de surprises. Et mon train, forcément en retard. C’est alors que le contrôleur demande à tout le monde d’évacuer le wagon car « Il n’y a pas assez d’énergie pour que les portes du
wagon se ferment». Imperméable aux lois de la cinétique, je quitte la fournaise. Nous sommes toujours à quai. Une place m’attend sagement dans un autre wagon bondé, près d’un homme nu-pieds aux baskets odorantes.

 

Ceci n’est pas une campagne de pub pour sneakers

L’équipe de maintenance a bien bossé. 40 minutes de retard et nous voilà déjà prêts à partir. Après une première annonce posée sur un flow des plus polis, le contrôleur désormais agacé balance une punchline cinglante : « Message aux personnes qui fument sur le quai. On part. Si jamais vous ne montez pas, vous resterez dehors ». Suge Knight peut aller se rhabiller, la Palice se recoucher, et le train avancer. Pas pour longtemps. Quelques minutes plus tard, scotchés en pleine banlieue, mes collègues voyageurs sourient jaune. L’effet d’une simple annonce. « Nous sommes arrêtés en raison d’une personne suicidaire en gare de Houilles ». Voilà pour l’intro trop longue de ce voyage pas assez court.

3h30 plus tard (au lieu de 2h30), Le Havre accueille les rescapés. Ma destination ? le festival Ouest Park et sa quinzième édition. À peine le temps de déposer mes affaires à l’hôtel qu’un runner vient me chercher. Le runner en vrai, c’est un chauffeur au volant d’un fourgon de location mais dans le milieu de la musique, on aime bien utiliser des termes qui rappellent la start-up nation. Direction les hauteurs de la ville, une première occasion pour moi de me rendre compte qu’elle ne mérite absolument pas le trop entendu « Le Havre, c’est pas terrible ».

Me voilà enfin sur le site. Première impression de parisien : le festival est à taille humaine. Les gens ont l’air détendu. Et les burgers frites deux fois moins cher que dans un food truck de Paname. Ça s’annonce très bien. Après avoir posé quelques questions à Fuzati du Klub des Loosers, je zone entre animations (Luminothérapie, machine à Gifs animés balancés directement sur Insta,…) et plus grande boule à facettes du monde. Il a fallu deux jours à 4 personnes pour monter les 8 mètres de diamètre et les 1200 miroirs de cet ovni dont les reflets illuminent toute la ville. Une œuvre du montréalais Michel Debron.

Le Klub des Loosers écarte les bras

Ça commence gentiment avec le projet Birkin/Gainsbourg/le symphonique. Tout pour me plaire mais ça ne décolle pas. À quoi bon réinterpréter Requiem pour un con en mode symphonique ? Dommage, comme beaucoup, j’adore Gainsbourg et Jane dans leurs vertes années. C’est maintenant l’heure d’aller voir ce que le Klub des loosers offre sur scène. Créature hybride, le masqué Fuzati porte chemise en jean et pantalon avec ourlets. Le tout avec veste Nike et Air Max nouvelle génération. Sur scène, une chose rare dans le rap : un groupe synthé-guitare-basse-batterie. Entre rap pur, rock et jazz, le versaillais assure. On ne comprend pas toujours ce qu’il dit, mais le public est conquis.

Un saut de puce sous le grand chapiteau pour voir la fin du concert de Roméo Elvis. Soit un homme torse nu dans un chapiteau, haranguant sans cesse la foule comme un camelot sur un marché. On a même le droit à un sexuellement intrusif « Ce morceau là vous allez péter des câbles. Je veux voir ce que vous avez dans les couilles! Montrez-moi le fond de votre caleçon ! ». Le pire c’est que ça marche. Le public est en fusion. Moi non. Mais je suis certainement arrivé trop tard.

Direction l’espace presse pour une pause technique bien méritée. Pendant qu’Arnaud Rebotini répond aux questions d’une web radio, je patiente dans le sas d’entrée. Un homme bourré frappe alors à la porte. Il est blond et petit. « Je suis Roméo Elvis, je suis Roméo Elvis. Interviewe-moi je t’en suppliiiiie ». Manifestement ce garçon n’est plus en pleine possession de ses moyens. Courageusement, je lui ferme la porte au nez.

Pendant que Médine passe sur scène, je pose mes fesses dans le canapé de l’espace presse. Il faudra un jour écrire un essai sur la qualité discutable des canapés en festival. Mais ce n’est pas le sujet du jour. Le sujet du jour, c’est devrait être Médine. Mais je ne le vois évidemment pas de mon canapé. Je me rattrape avec les stratosphériques Synapson. Stratosphériques, mais pas côté musique. Leur électro bourrine ne me parle pas. Ce qui me fascine, c’est que ces gars ont le don d’ubiquité, puisque quelques heures avant, le même jour, ils jouaient à Toulouse. Bienvenue dans la 4ème dimension. Fatigué à leur place par autant d’énergie déployée, je quitte le festival sans voir vu le concert d’Arnaud Rebotini, pourtant toujours excellent. Il faut dire qu’il est programmé à 2h45 et que la SNCF m’a bizarrement achevé.

Un volcan dans la ville

Jour 2. Après un petit déjeuner bien mérité, je me promène un peu aux alentours de l’hôtel. Il pleuviote, mais ça vivote. Les docks réhabilités fourmillent. Un bref passage au Mac Do pour m’abriter de la flotte. Sur une porte vitrée une feuille, avec la mention « Salle réservée pour anniversaire de 14h30 à 17h ». Pourquoi pas. Certains parisiens s’inscrivent bien aux ateliers de mosaïque du Palais de Tokyo.

Après une visite de la ville (je vous conseille l’église Saint-Jospeh, un ouvrage somptueux), je retourne au fort de Tourneville, lieu qui abrite le festival. J’ai faim, et je zappe le concert de Charlie Winston contre une excellente tarte chèvre tomate. Il faut avouer qu’après avoir suivi son éclosion il y a près de 15 ans, j’avais fini par oublier son existence, au Charlie. L’estomac calé, je file au Tetris (la salle de concert étendard du Havre) pour entendre MNNQNS. Super concert. Le groupe est soudé comme un seul homme, les morceaux claquent les uns après les autres comme un fouet sur le cul d’une tigresse en chaleur. Pardonnez la métaphore animale, mais j’ai l’impression que je viens d’assister au meilleur concert ̶d̶u̶ ̶f̶e̶s̶t̶i̶v̶a̶l̶ que j’ai vu jusqu’ici.

Et si Brian Jonestown Massacre leur mettait la fessée? Ça reste à voir mais ce qui est certain, c’est que pour BJM, le Tetris n’a jamais aussi bien porté son nom. Des années après, l’effet du documentaire « Dig ! » joue encore. Voilà une salle pleine à craquer, et des gens collés les uns aux autres comme sur la ligne 6 du métro à l’heure de pointe. De nombreux déçus restent à la porte. Fidèle à sa réputation d’homme proche du peuple, Anton Newcombe s’en fout. Son tee-shirt blanc porte l’inscription « Eat Shit » en lettres rouge sang et il me semble qu’il s’adresse directement au public. Il fait 120 degrés dans la salle mais Joël Gion (l’homme aux maracas/tambourins qui se faisait démonter la gueule dans « Dig ») est vêtu d’un bonnet et d’un blouson cintré à moumoute. Le mec est en nage et risque de finir noyer par sa propre sueur, mais il faut croire que ce bain en vaut la chandelle. Reste que sur scène, BJM fait du BJM de 2018. À vous de voir si vous en êtes.

Minuit 35. Une journaliste de Ouï FM m’annonce que « J’ai une tête à bosser chez Konbini ». L’histoire jugera. 1 heure du matin. Me voilà devant Soft Moon. Ces Nine Inch Nails des temps modernes remplissent parfaitement leur office. Le son est lourd, puissant, entre indus et shoegaze survitaminé, et le leader Luis Vasquez retourne avec efficacité une salle plus aérée que pour BJM. Un saut devant les sautillants rappeurs de Two Many T’s, biberonnés aux Beastie Boys, et je repars, repu par tant de confiseries. Merci Le Havre, c’était super.

TEXTES ET PHOTOS (à ses risques et périls) : ALBERT POTIRON